Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/275

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Un instant, il marcha pensivement, puis, comme prenant un parti :

— Non, je ne suis pas aussi isolé que je le parais. Naguère, l’ami inconnu qui me fit passer, sans que je pusse le découvrir jamais, les sommes considérables grâce auxquelles, moi, l’enfant trouvé, je créai le syndicat des déshérités comme moi, cet ami m’a donné une puissance. Je suis le chef, le roi, comme ils disent, des lads, de tous les abandonnés. Ils m’ont servi maintes fois. À présent encore, ils me serviront. Oui, c’est l’armée des gamins qui luttera contre les troupes du crime. Un enfant a arraché un autre à la mort ; des enfants amèneront peut-être l’heure de justice.

Avec une émotion attendrie, il conclut lentement :

— Merci, inconnu, qui m’as fait enrégimenter les orphelins.

Son regard semblait chercher autour de lui le personnage à qui s’adressaient les remerciements ; il rencontra deux hommes, coiffés, l’un d’un chapeau de paille, l’autre d’un feutre gris, qui, à peu de distance, causaient avec animation.

— Je n’aperçois que ces deux causeurs, murmura-t-il… Eux m’aperçoivent aussi. Sont-ce des espions ? Nous allons bien le voir.

Et sa douleur brusquement apaisée par la volupté de l’action :

— En tout cas, je puis passer au syndicat sans qu’ils en puissent tirer de déductions graves.

Il se mit en marche d’un air indiffèrent, non sans jeter de temps à autre un coup d’œil par-dessus son épaule. Les hommes avaient, eux aussi, pris le pas de promenade. Jud sourit.

— Allons, fit-il encore, chapeau de paille et chapeau de feutre sortent des magasins de Jemkins.

D’un bon pas il gagna la ruelle, où, la veille au matin, il s’était rendu avant la séance du Sénat. Il s’arrêta devant la maison dont le mur s’ornait de la bizarre allégorie du faisceau d’enfants enroulés de cordes.

Il entra, repoussa le battant derrière lui, et se trouva dans un vestibule étroit, aux murailles revêtues d’un enduit de couleur verte.

À droite et à gauche, les bureaux, où retentissaient le tapotement de machines à écrire, communiquaient avec le vestibule.

Sur le seuil de l’un d’eux, se montra Tril, le gamin