Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allez comme et où vous voudrez, acheva la Lourença. Le château, ce n’est que des vieilles pierres ; mais El Rios, qui a étudié, prétend que cela intéresse les ricos hombres… Allez, personne ne vous arrêtera.

Et lui, ne paraissant pas comprendre l’invitation, elle ajouta :

— En tout cas, ne restez pas ici…, mes chèvres ne vous connaissent pas… Elles sont inquiètes…, alors, vous savez, elles broutent mal, et le lait a moins de crème.

Cette fois, Chazelet obéit à l’injonction de son interlocutrice.

Il s’éloigna lentement, se dirigeant vers les bâtiments de l’Est, où une porte, moins obstruée de gravats et de ronces, semblait annoncer un passage fréquenté par les habitants de la ruine.

Après tout, il avait fait le voyage pour visiter le vieux castel. Il le visiterait.

Ce qu’il ne confiait pas à lui-même, ce qui cependant vibrait au plus profond de son être, c’était le désir de parcourir ce site sauvage où s’était écoulée la vie de Linérès.

Depuis qu’il avait pénétré dans l’enceinte du château, la jeune fille inconnue s’était emparée de son âme.

Il se la représentait adorablement jolie, pauvrement vêtue, passant à travers ce décor majestueux.

Il avait l’impression qu’elle allait lui apparaître au détour de chaque pan de pierre.

La Lourença avait repris sa chanson traînante. Sur cette mélopée plaintive, Pierre s’engagea dans les ruines.

Elles attestaient la splendeur passée des comtes de Armencita.

Des salles immenses, dont le ciel à présent était le seul plafond, des vestiges de boiseries, de peintures, de tapisseries, évoquaient des souvenirs de richesse, de chevalerie, de joie.

Maintenant des monceaux de gravats recouvraient le sol, effaçant les traces des seigneurs aux costumes brillants, des aïeules élégantes et gracieuses. Là, sans doute, plus d’une noble dame avait remis son écharpe de sole au guerrier vaillant se rendant à la croisade contre les Maures ; là, les violes des troubadours avaient accompagné les chants de gloire et de tendresse.

Aujourd’hui, tout était muet sous le ciel impassi-