— Demain, dites-vous. Il viendra donc ici ?
— Pas de suite… Vous irez d’abord vers lui. À tout seigneur tout honneur. La goélette qui nous a amenés est dans le petit port de Presios, à vingt milles d’Agua Frida. Une ravissante promenade à cheval pour demain… qu’en dites-vous ?
— Que rien n’est plus doux qu’obéir à une charmante femme.
Rouge-Fleur eut un petit rire minaudier.
— Vous préviendrez donc les… principaux intéressés : votre cousine, son fiancé, cette noble comtesse de Armencita, Lily.
Jemkins agitait une petite sonnette d’argent, dont le tintement fit apparaître un peone empressé.
— Que l’on prie la señorita Linérès et le marquis de Chazelet de venir de suite.
Et l’homme sortit, tandis que ses lieutenants se livraient à des commentaires réjouis, Jemkins se pencha vers Rouge-Fleur.
— Ce Porfirio Raëz… quel homme est-ce ?
— C’est le plus parfait des caballeros… Il a perdu trois millions de piastres dans les tripots de Mexico.
— En un mot, ruiné.
Elle affirma d’un gentil mouvement de tête.
— Un personnage à vendre, fit-il avec gaieté.
Rouge-Fleur le menaça du doigt.
— Comme vous parlez en termes rudes, vous autres, Américains du nord… Porfirio est un homme bienveillant, disposé à toute complaisance. Plus la complaisance est grande, plus fort est le salaire mérité.
Juste à ce moment, la porte du salon s’ouvrit, livrant passage au marquis Pierre de Chazelet au bras de qui s’appuyait Linérès.
Un profond silence succéda à leur apparition. Puis des clameurs s’élevèrent :
— Hourrah ! pour l’héritière des Pariset !
Les jeunes gens s’étaient arrêtés. Pierre regardait les assistants, une expression hautaine dans les yeux.
— Je vous ai fait appeler, mon cher Pierre, et vous aussi, ma petite cousine, afin de vous communiquer des nouvelles qui vous réjouiront.
Et avec une bonhomie feinte :
— Vous ne dites mot… Pauvres fiancés éprouvés par le destin cruel, rassurez-vous, vous avez fini de souffrir.
— Un hourrah pour Jemkins, s’écrie Jetty enthousiasmé.