— Pas d’interruptions intempestives, lança la voix grinçante d’El Dieblo.
— Quel est cet Indien ? murmura Rouge-Fleur entre haut et bas.
— Un serviteur de Jemkins, répondit sans hésiter le singulier personnage. Un serviteur dévoué… eh ! eh ! eh ! qui blâme les paroles inutiles… Les fiancés attendent l’explication qui chassera la pâleur de leurs joues. Vous louerez l’orateur quand il aura terminé.
— Et que tout sera réglé, appuya Frey. By God, tu as raison, garçon.
Il eut un geste amical vers Pierre et Linérès.
— Il a vu juste, le digne Indien… Tout comme une piste de chasse ou de guerre, El Dieblo sait lire une piste de sentiment.
El Dieblo ! Le nom provoqua un tressaillement chez les fiancés. Le Diable ne cesserait donc jamais de les poursuivre.
— Donc, prononça Jemkins, ma chère et mignonne cousine, sachez que le gouvernement du Mexique a délégué vers vous un représentant, le noble don Porfirio Raëz, à seule fin de vous mettre ès-mains le décret vous reconnaissant comme l’héritière des Pariset.
— Ah ! soupira la jeune fille.
— Don Porfirio est arrivé ce matin. Son navire est amarré aux quais du port de Presios. Demain, une simple promenade à cheval et plus rien ne pourra reculer votre mariage.
— All right ! Bien dit et bien pensé !
Rouge-Fleur mêlait sa voix à celle des complices de Frey.
Du geste, le marquis de Chazelet réclama le silence.
— Cher monsieur Jemkins, commença le jeune homme, je tiens avant tout à rendre hommage à la courtoisie, dont vous avez fait preuve à l’égard de deux infortunés en butte à d’inexplicables et terribles inimitiés.
— Cela n’est point matière à occuper l’esprit…
— Le vôtre peut-être, cher monsieur ; mais pour le mien, il en va autrement… J’ai une mentalité française, moi ; une mentalité des Vieux Pays, comme disent vos compatriotes… Et il n’est pas en mon pouvoir de me défaire de mes souvenirs comme d’un vieil habit.
— Enfin, où voulez-vous en venir ? grommela le milliardaire avec impatience.