Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/387

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nées. Son visage, très brun, décelant le métis, était orné d’une de ces barbes au noir outrancier dont certains exotiques ont le secret.

Vêtu avec recherche, sombrero pointu, veste soutachée, pantalon ouvert à partir du genou et agrémenté d’innombrables boutons d’or, il était bien le type des élégants nationaux, ainsi que se désignent les Mexicains qui n’ont point adopté les modes d’Europe. Linérès et le marquis de Chazelet s’inclinèrent.

Suivant les conseils apportés si étrangement par le petit singe Zinka, les fiancés, de bonne heure, s’étaient laissés hisser sur des chevaux.

Ils avaient docilement suivi la caravane se rendant d’Agua Frida à Presios, subi la bruyante gaieté de Frey Jemkins, les compliments hypocrites de Mme de Amencita, le voisinage des lieutenants du milliardaire.

Deux personnages seulement avaient attiré leur attention…

L’un, Indien d’apparence, faisant caracoler avec maestria un superbe mustang (cheval à demi sauvage), n’était autre que El Dieblo, le sorcier rouge.

L’autre, pâle sous ses cheveux blancs, la démarche incertaine, le regard vague, les traits inexpressifs, Lily Pariset, semblait être retombée dans l’anéantissement cérébral.

Un Indien, une folle, tels apparaissaient ceux que, parmi leur entourage, Pierre et Linérès pouvaient seuls considérer comme n’étant pas ennemis.

Les hauteurs dénudées aux rocs rouges, les savanes herbeuses défilèrent devant les voyageurs, puis brusquement la petite bourgade de Presios se profila sur le fond bleuté de la mer. Les maisons basses, le port protégé par plusieurs îlots rocheux, appelèrent à peine les regards des fiancés.

Ils n’avaient d’yeux que pour un yacht, à la coque vert pâle, qui se balançait à la houle dans le bassin.

Un temps de trot, et l’on parvint au quai.

Une passerelle légère y reliait le coquet navire. Sur le pont, ombragé par une tente aux rayures bleues, don Porfirio Raëz attendait les visiteurs.

Le matin même, un exprès, dépêché par Rouge-Fleur, lui avait apporté l’assurance que son dérangement lui vaudrait un amas de piastres.

Aussi serra-t-il énergiquement la main de Frey Jemkins et doucement celle de Rouge-Fleur, qui avait rejoint la cavalcade, en vue de Presios, escortée seulement par un serviteur japonais.