Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/42

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paraître remarquer l’ahurissement de son prisonnier. Au lieu de te laisser abattre par la mauvaise fortune, tu as décidé que tu reconquerrais la richesse ; cela m’a fait plaisir, car j’ai pensé que la Fleur de Armencita trouverait en toi le défenseur, dont la pauvrette a grand besoin.

— La fleur de Armencita, répéta Chazelet. Qui appelez-vous ainsi ?

— Celle que les habitants de ta vallée appelaient la madone Linérès.

Le nom de la jeune fille médusa le Parisien.

Hier, la bohémienne Ramrah lui annonçât la fortune par le dévouement.

Aujourd’hui, un brigand inconnu lui affirmait que Linérès avait besoin d’un défenseur.

Et presque malgré lui, le jeune homme bredouilla :

— De grâce, expliquez-vous, car à force de frapper ma tête à coups de mystères, il est à craindre qu’elle n’éclate.

Puis, par réflexion :

— Et puis comment, pourquoi vous préoccupez-vous de la señorita ?

L’interpellé hocha gravement la tête.

— On ne nous connaît pas, nous autres, les Seigneurs de la nuit. On croit que le vol, le meurtre sont nos seules délices. On se trompe… Ainsi moi, j’aime les fleurs, j’aime la voix pure qu’accompagne la guitare, la danse scandée par le claquement des castagnettes… Je me suis intéressé à la señorita, parce qu’elle était la plus belle fleur de la vallée, et parce que souvent, alors que je guettais les voyageurs rentrant de Bânos, sa douce voix apportée par le vent, me charmait durant l’affût monotone.

— Ah ! balbutia seulement le marquis décontenancé par les allégations de cet étrange bandit.

Et la voix de l’homme masqué tinta de nouveau à ses oreilles.

— Jamais, disait ce dernier, la señorita n’a su quels gentils compagnons ses chants étaient pour Selenitès ; jamais elle ne m’a aperçu sur sa route. Jamais la vieille comtesse n’a soupçonné que le poulet tendre, les pastèques à la pulpe rose, que des paysans lui offraient parfois, avaient été payés par le bandit. Elles étaient pauvres, et je soldais la poésie que cette enfant jetait sur mon triste métier.

Mais changeant soudain de ton :

— Ici, il ne lui serait pas arrivé malheur, car on