Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/41

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Ils eurent un léger murmure approbatif pour son attitude dégagée.

Mais le Seigneur de la nuit leva la main ; tout se tut. Il reprit :

— Je ne serai pas volé, comme tu le dis.

L’affirmation ne fit pas bondir Pierre ; une remarque, en cet instant, captivait toute son attention.

Le bandit espagnol parlait avec un accent allemand, très reconnaissante encore qu’il ne fût point caractérisé.

Celui-ci continuait d’ailleurs :

— Je ne serai pas volé, car je te savais démuni d’argent, lorsque j’ai chargé mas braves de t’amener vers moi.

— Vous désiriez une visite de politesse ?

— Non. Je voulais t’associer a une œuvre courageuse et bonne.

Si le bandit souhaitait étonner son interlocuteur, il put se réjouir. Impossible de rêver succès plus complet.

Un détrousseur de grands chemins qui arrête un voyageur pour l’associer à une œuvre courageuse et bonne, cela sort vraiment de l’ordinaire. Les annales du banditisme n’enregistrent pas souvent pareil événement.

Aussi le visage de Chazelet exprima une stupeur si complète que de petits rires s’élevèrent dans le cercle des auditeurs, s’éteignant aussitôt sur un nouveau geste du chef.

L’homme au masque de satin poursuivit :

— Je te remercie de n’avoir pas supposé qu’il s’agissait d’un acte de brigandage. Cela me conduit à estimer ton jugement. Écoute-moi donc attentivement.

— Pour cela, soyez tranquille, s’écria le Français de plus en plus surpris par la tournure de l’entretien.

— D’abord, sache bien que je te connais. Tu es le marquis Pierre de Chazelet. En cinq ans, tu as exterminé deux millions qui te venaient de ta famille. Tu es complètement ruiné, et tes seules ressources se bornent à une dizaine de mille francs qui te seront envoyés de Paris sous quelques jours.

Pierre s’inclina sans répondre.

Décidément la police des bandits était bien faite en Espagne.

— Tu es brave, énergique, continua l’homme sans