Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/46

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— Droit devant toi. La fonda de Salamanca !

Et telles des ombres, ils s’enfoncèrent dans la nuit.

Une demi-heure plus tard, après une collation frugale, le marquis de Chazelet s’allongeait voluptueusement entre les draps d’un lit fort acceptable.

Et comme tout bon chevalier de la légende, à la veille de combattre pour la dame de ses pensées, il s’endormit et la revit en rêve.

Mais les divinités qui président aux songes, ne l’avertirent pas que, vers deux heures du matin, un homme de haute stature, à la face rose auréolée de cheveux blonds, reconnaissable à première vue pour un Allemand, en dépit de son complet de voyage genre anglais, faisait irruption dans la gare d’Avila et semblait enchanté d’apprendre que l’express de nuit pour Paris n’arriverait pas avant un quart d’heure.

Cet homme causait avec un autre personnage qui l’accompagnait.

— Il partira, Diego… Ces gens de France sont tenus par leur parole comme par une chaîne. Il partira, et le Crâne sera content. Il saura ta belle conduite.

— J’en serai heureux, quoique déjà, grâce à lui, la contrebande n’aille pas mal.

— Il faut toujours désirer plus.

— Je m’en souviendrai, monsieur von Foorberg.

— Chut ! pas de noms propres.

Était-ce une illusion ? On eût cru que le voyageur parlait avec le même organe que le señor bandit Selenitès, et que son interlocuteur possédait une voix ressemblant étrangement à celle du guide mystérieux qui, durant son odyssée nocturne, avait seul adressé la parole au marquis Pierre de Chazelet !

Un roulement de tonnerre, des coups de sifflet, un crissement de freins. C’est le rapide qui entre en gare.

Le touriste allemand se précipite vers un wagon de première classe, s’y engouffre.

Son compagnon le salue. De nouveau la machine siffle ; la file des wagons s’ébranle, s’éloigne.