Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/62

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Mais, après un instant :

— On ne nous appelle pas. Cela dure trop longtemps.

— Alors vous supposez quoi ?

— Que l’appel régulier ne se produisant pas, nous surprenons une causerie de sans fil clandestin.

À ce moment, un nouveau personnage pénétrait dans la lanterne.

— Clandestin ! s’écria-t-il… Eh ! mais, en ce cas, mon service sera tout aussi intéressé que celui de la Guerre.

— Tiens ! c’est Lerenaud, fit Morand en serrant la main au nouveau venu. Je m’étonnais de ne pas vous voir.

— Moi qui ai piloté M. Allan… Ah ! mon cher, si vous pensez qu’être chef de la Sûreté constitue une sinécure… J’ai dû m’occuper de Garavaud, vous savez, le sixième soupirant de la fatale Linérès de Armencita.

On eût dit qu’une flamme fugitive traversait les yeux de l’Américain.

Cependant il prononça d’une voix très calme :

— Encore un accident, cher monsieur ?

— Un accident… Non pas… un crime commis à six heures, rue du Général-Foy, en plein Paris, quatorze coups de couteau.

— Et ce malheureux ?

— Est mort sans avoir prononcé une parole.

Un lourd silence pesa sur l’assistance. Tous regardaient M. Lerenaud, espérant peut-être qu’il donnerait une explication de cet ensemble de malheurs frappant autour de Linérès. Mais le chef de la Sûreté demeura muet.

En fonctions depuis huit mois à peine, M. Lerenaud avait stupéfié la société laborieuse, épouvanté le monde du crime par son activité, par la certitude de ses déductions. Pour la première fois, il se heurtait à un mystère dont il n’entrevoyait pas la solution. L’aveu qu’il en avait fait très loyalement n’avait pas été étranger à la tournure légendaire adoptée par la presse pour narrer l’affaire des fiancés.

Dès l’instant où Lerenaud ne comprenait pas, on pouvait tout supposer.

Et, maintenant encore, le mutisme du chef de la Sûreté remplissait les assistants d’un malaise inexprimable.

Tous frissonnèrent au son de la voix d’Allan.