Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/69

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Puis, comme fâchée d’avoir exprimé le doute, naguère confié au carnet bleu, elle ajouta vivement !

— Je veux dire que je vous suis reconnaissante de votre affection.

Un regard dur fut la seule réponse de son interlocutrice. Ce regard, certes, donnait raison à la question dubitative de la jeune fille.

Mais un grand silence se produit soudain, toutes les conversations cessent à la fois.

La porte du petit salon vient de s’ouvrir, livrant passage à la voyante Marahi et à von Foorberg, cet Allemand blond entrevu à la station d’Avila.

Un murmure passe parmi l’assistance.

La voyante est une femme âgée, à la peau rouge brun, aux yeux perçants. Elle offre bien le type de ces Indiens, naguère maîtres des immenses solitudes américaines, aujourd’hui décimés, dispersés, par l’envahissement de l’immigration européenne.

Sur le crâne, telle une couronne royale, elle porte le bandeau pourpre que surmontent les plumes d’aigle, marque de sa dignité de cacique. Un long manteau, orné de figures étranges, se rattache sur l’épaule par une boucle d’or. En s’entr’ouvrant, il laisse apercevoir la tunique courte serrée à la taille par une ceinture de cuir. Ses bras nus sont cerclés de bracelets massifs. Ses jambes sont emprisonnées dans des calzones (pantalon étroit), sur lesquels s’enroulent les rubans rouges maintenant les mocassins (sorte de sandales).

Cette femme regarde l’assemblée sans le moindre trouble, et ceux sur qui se fixent ses yeux baissent les paupières.

Elle a une majesté qui impressionne.

Mais von Foorberg parle. En français fort correct, bien que des intonations allemandes lui échappent parfois, il dit :

— Mesdames, messieurs. Le hasard d’un voyage à Hambourg m’a fait rencontrer Marahi. Ce n’est point une somnambule. Ce n’est point une hypnotisée. Non, c’est l’héritière d’une science psychique, que l’on croyait jusqu’ici appartenir seulement à quelques brames hindous. Elle lit la pensée à travers la boîte du crâne. Elle lit ce qui, prétend-elle, dort dans la pensée sans être perceptible à notre intelligence. Cela semble fou, n’est-ce pas ? Je n’y comprends rien pour ma part, mais elle m’a stupéfié. J’en ai parlé un jour à notre hôte actuel. Il a pensé