Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/88

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Et le mystère de la vie privée, mon cher Lerenaud, qu’en faites-vous ?… Vous auriez dû au moins le prévenir.

— Il est prévenu.

— Et il a accepté ?

— En riant.

— Quoi ? Un attaché militaire consent à être espionné, non, pardon, je voulais dire : observé ! Je croyais que la raison d’être de ces fonctionnaires était de surprendre les secrets des peuples qui leur accordent l’hospitalité.

M. Lerenaud se pinça les lèvres.

— Je ne sais si vous avez tort ou raison, mais l’officier japonais n’envisage probablement pas la question sous le même angle que vous, car il a éclaté de rire à la face de l’agent chargé de l’avertir, et il a répondu : « Je ne vous remercie pas, quoique votre démarche soit très correcte. Si j’avais quelque chose à cacher, elle me permettrait de prendre mes précautions. »

On sourit, avec un peu de désillusion inavouée. Au fond, chacun avait été attiré au Cercle militaire par l’espoir de… palpiter à une nouvelle scène du drame mystérieux qui fixait la pensée du Paris frivole.

Au lieu de cela, on trouvait quoi ?

Une aventure bourgeoise. Un candidat qui serait éconduit prosaïquement. Aucun relent d’intrigue ténébreuse, de rébus tragique.

La police veillait.

Et les assistants se confiaient in petto que ce dénouement était plat, sans couleur. L’épilogue apparaissait indigne des prémisses.

Chazelet s’était levé sans que personne fit attention à ce mouvement.

Par une porte-fenêtre, il avait gagné le balcon, et là, la brise du soir jetant la fraîcheur à son front brûlant, il regardait la place de l’Opéra, inondée de lumières, incessamment traversée par le flot des voitures et des piétons.

Là-bas, en face de lui, se dressait le bâtiment massif de l’Opéra. Quelques automobiles stoppaient au long du trottoir, déposant des gentlemen corrects, des femmes dont les manteaux de soirée cachaient mal les toilettes élégantes.

Sans hâte, ces spectateurs de choix qui ne peuvent arriver avant le milieu du spectacle, gravissaient les degrés, pénétraient dans l’édifice.