Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/99

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— J’aurais voulu éviter cela, répondit-elle avec une nuance de tristesse, et cependant je vous suis reconnaissante infiniment.

Et comme ses interlocuteurs se taisaient, impressionnés par ces dernières paroles, reproduisent celles qui les obsédaient, elle poursuivit :

— Victime par ricochet, victime parce que l’on me casse mes jouets de coquetterie… Je suis coquette, je l’avoue, et j’ai été joyeuse de voir tant de gens distingués solliciter ma main… Oh ! je n’ai point hâte de me marier… J’ai dix-huit ans, et sainte Catherine, comme vous dites en France, est encore loin de ma porte, mais il est agréable de s’entendre dire que l’on est jolie, aimable, que l’on peut faire le bonheur de quelqu’un… Donner le bonheur, est-il rien de plus charmant ?

Sa physionomie mobile s’embruma de nouveau.

— Au lieu de cela, une influence néfaste pèse sur moi… On croirait que je porte malheur à ceux qui m’approchent… Six Français, en deux mois… Encore, ceux-là, on pouvait croire à des accidents… Mais le capitaine Anoru, tué, là, devant nous, à l’instant même où il demandait à ma mère d’être admis à me faire sa cour.

— Vous ne considériez donc pas M. Anoru comme un fiancé, mademoiselle ? Pardon de la question, mais…

— Mais je suis prête à répondre à toutes vos questions, monsieur le chef de la Sûreté ; maman et moi nous étions fatiguées, nous sortons beaucoup, n’est-ce pas… Alors nous devions fermer notre porte, ce soir, et nous coucher de bonne heure.

Elle eut un regard mélancolique à l’adresse de Pierre.

— Vous avez néanmoins reçu le capitaine.

— Oh ! je le regrette, hélas !… Vers deux heures, il avait envoyé un mot à maman. Il la priait de vouloir bien lui accorder un entretien, ce soir même, parce que, expliquait-il, son service l’obligeait à quitter Paris pour quelques jours, et il souhaitait, en termes très flatteurs pour moi, ne pas retarder sa communication.

— Et alors ?

— Maman a répondu oui… bien que je l’eusse prévenue de ma résolution irrévocable.

— Puis-je vous prier de me la faire connaître ?

— Mais certainement… Étant donnée l’épidémie