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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/104

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Mais se frappant le front :

— J’oubliais ; le gentleman américain, qui est resté en votre compagnie jusque vers dix heures du soir, a remis un billet à votre adresse. Je vais le chercher.

— Et apportez en même temps un lunch froid. Deux heures ! Je comprends pourquoi j’ai l’estomac dans les talons.

— C’est trop bas pour un gentleman, riposte le serviteur hilare, il faut le faire remonter au plus vite.

Et il s’élança au dehors. Le père et la fille se regardèrent :

— Comment avons-nous pu dormir ainsi ?… Plus d’un tour de cadran.

Margarèthe risque une explication :

— Notre longue faction à Holborn viaduct sans doute.

— Peut-être.

Cependant, il était évident que Von Karch considérait cette faculté somnifère, brusquement révélée chez lui et chez la blonde Margarèthe, comme un fait anormal et inquiétant.

La réapparition du garçon le tira de ses réflexions moroses. L’homme était chargé d’un grand plateau d’argent, sur lequel un en-cas froid : viande et volaille, entourait la théière fumante.

Il déposa le tout sur un guéridon. Puis présentant une lettre à l’agent allemand :

— Le mot laissé par le gentleman des United States, avant son départ.

— Il est parti ?

— Ce matin, à la première heure. Ainsi, du reste, qu’il l’avait annoncé au bureau.

— Ah !… C’est bien. Laissez-nous.

Et le serviteur sorti, Von Karch fit sauter le cachet de la missive. Celle-ci était brève.

« Au moment de continuer son voyage, Master Tril regrette de ne pouvoir prendre congé de sir Von Karch et de lady sa fille. Il emporte un très gentil souvenir de la soirée cordiale passée en leur compagnie, et sera heureux de les recevoir si le hasard des affaires les amène plus tard à Charleston. »

Rien de plus naturel, de plus correct, que ce mot laconique.

Le ton était celui d’un nomade reconnaissant envers des personnalités qui, durant une soirée, l’eût arraché à l’ennui de la solitude.

Ce que le sommeil incompréhensible de ceux-ci l’avait empêché de dire de vive voix, il l’avait écrit : voilà tout.