L’Allemand se reprocha ses ineptes soupçons à l’endroit de ce petit bonhomme, qui n’était certainement pas de force à se mesurer avec un gaillard comme lui, réputé au service des renseignements de Berlin.
Et, dégagé par cette réflexion avantageuse :
— Réparons le temps perdu. À table, chère belle Marga. L’abstinence vous ferait perdre cette silhouette où réside toute la grâce de nos filles d’Allemagne.
Il alla ouvrir la fenêtre, ajoutant avec gaieté :
— Un temps superbe. Mettons le soleil de la partie !
Mais tous deux, décidément rassérénés, avaient à peine commencé leur repas, que les clameurs des « camelots londoniens » retentirent dans la rue.
— Demandez l’idylle de Newgate. L’ingénieur français ne passera pas en jugement ! Le tribunal nargué par l’inculpé !
— Hein ! clama Von Karch, vous avez entendu ?
— Oui ; cela doit être un de ces « canards » auxquels la presse anglaise donne si facilement l’essor.
— Vous croyez ? Au fait, c’est possible. Cependant, je ne serai pas fâché de m’en assurer.
Ce disant, il s’était approché de la fenêtre, se penchait au dehors.
En bas, devant l’hôtel, des garçons et chasseurs, formaient un groupe attentif, autour d’un maître d’hôtel qui lisait à haute voix une feuille quotidienne.
— Pst ! Pst !
À cet appel de l’Allemand, tous levèrent la tête.
— Montez-moi un journal de suite.
— All right ! Vous avez raison, gentleman. Cela n’est pas une histoire ordinaire.
Et le groupe disparut sous la porte cochère, sans doute pour n’être pas troublé plus longtemps, tandis que l’un des « chasseurs » se lançait à la poursuite des crieurs.
Moins de trois minutes après, ce dernier remettait une édition spéciale à l’Allemand, recevait la pièce méritée par sa promptitude, et s’éclipsait, selon toute apparence, pour rejoindre les camarades commentant l’événement encore ignoré des clients germains.
Avec une hâte fébrile, Von Karch parcourut la manchette du périodique, et gronda, stupéfait :
— L’ingénieur est mort !
— Mort !