Margarèthe redit ce mot sans en avoir conscience. Elle s’était dressée toute droite, soudainement pâlie. Von Karch s’était plongé dans la lecture de l’article sensationnel consacré à l’idylle de Newgate.
— Eh ! grommela-t-il, ce n’est pas moi qui l’ai tué, ce satané François, c’est la maladie.
— La maladie ?
— Certainement, les médecins ont diagnostiqué une embolie. Au surplus, écoutez.
Il se prit à lire d’une voix monotone, les lignes suivantes :
« Le procès de l’ingénieur français François de l’Étoile n’aura pas l’épilogue judiciaire que chacun prévoyait.
« La nature s’est chargée de dénouer le criminel imbroglio.
« Ce matin, le guichetier, qui visitait les prisonniers trouva le Français étendu sur son lit ; le corps déjà froid et présentant la raideur cadavérique, démontrait que la mort remontait à plusieurs heures.
« Le docteur James Lindley, attaché à la prison, accourut aussitôt. Des constatations du savant praticien, il résulte que le prisonnier, a succombé à une embolie cardiaque.
« L’événement en lui-même n’aurait rien dont il se fallut attrister. La nature a solutionné de façon élégante une « cause célèbre » dont l’esprit public était obsédé.
« Mais aux côtés du coupable se dressent les silhouettes de deux jeunes filles, toutes deux ses victimes.
« L’une, privée de raison, miss Liesel Muller, est enfermée à Bedlam, où son père, romanesquement retrouvé, veille sans trêve sur la pauvre mignonne. Or, ce père, M. Tiral, de son nom, en apprenant la fin de l’ingénieur, a immédiatement demandé l’autorisation d’emmener sa fille hors d’Angleterre. Il compte la remettre aux soins d’un illustre docteur qui peut-être rallumera le flambeau de l’intelligence éteinte.
« Miss Liesel étant classée parmi les fous contemplatifs, c’est-à-dire non dangereux, il est certain que le malheureux père obtiendra la douloureuse faveur qu’il sollicite.
« La seconde victime est (la jeune fille l’ayant elle-même proclamé, nous pouvons nous départir de notre réserve accoutumée) miss Édith Fairtime, fille du lord et puissant industriel.
« Fiancée à l’inculpé, miss Édith venait, chaque jour, à la prison, refusant, avec une touchante obstination, de croire aux preuves de la culpabilité de celui qu’elle avait choisi.