— Naturellement.
Les causeurs se regardent avec une infime douceur. Dans leurs yeux passe ce rayonnement de l’affection sans bornes que se sont vouée ces orphelins, puis Tril d’un pas décidé, s’approche de la porte basse dont le rectangle vert sombre se découpe dans la muraille.
L’instant est favorable. L’avenue est déserte.
Un cliquettement métallique. Sans doute, le petit Américain a une clef. La porte tourne sur ses gonds. Tril se glisse par l’ouverture, repousse le vantail, mais en le laissant entr’ouvert.
Et Suzan, déployant le journal, après avoir repoussé sur sa hanche son baquet de saucisses, semble s’absorber dans la lecture des événements du jour.
son jeune compagnon, lui, se trouve à présent dans un jardin ombreux.
Devant lui, un sentier, couvert de gravier, s’enfonce entre des massifs de buissons, au-dessus desquels de grands arbres étalent le panache de leur feuillage.
Avec précaution, le gamin s’engage dans l’allée. Le gravier crierait sous ses pas, si légers qu’ils soient. Il marche sur le gazon formant une étroite bordure au chemin. Comme cela, aucun bruit ne décèle sa présence.
Des sentes se croisent en capricieux méandres ; des statues, des vases, dressent leurs silhouettes blanches parmi les verdures. Dans un bassin de rocaille, un jet d’eau murmure la chanson berceuse de l’eau jaillissante. Tril avance toujours.
Mais les arbres s’éclaircissent, le gamin ralentit sa marche.
Quelques pas encore, et il s’arrête derrière le tronc d’un orme centenaire marquant la limite même du jardin.
Au delà, le petit aperçoit la balustrade, à hauteur d’appui, séparant le parc de la cour d’honneur, et, dans cette cour, l’automobile dont la venue a éveillé sa curiosité.
Elle n’a pas bougé. Le watman mystérieux est donc toujours dans l’hôtel ! Mais où ?
Comment le savoir. Tril n’a pas risqué cette manœuvre audacieuse de pénétrer dans l’enceinte du 74, simplement pour examiner une machine, si confortable qu’elle soit.
Seulement, s’il se montre, le moins qu’il lui puisse arriver sera d’être chassé ignominieusement. Être chassé, ne serait rien si, du même coup, il ne devait être mis dans l’impossibilité de savoir ce qu’il veut découvrir.