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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/161

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Elle reprit :

— J’ai peur, j’ai peur. Ah ! Péterpaul, pourquoi n’es-tu pas allé là-bas ?

On ne l’a pas voulu, souviens-toi.

Édith tendit la main à son frère.

— C’est vrai ! Pardonne-moi ; je deviens injuste.

Le silence régnait de nouveau. Les trois hommes considéraient d’un air attendri la chère enfant retombée dans sa rêverie.

Le mutisme pesait sur leurs épaules. Jim, pour faire du bruit bien plus que pour exprimer une pensée, lança cette phrase vide d’intérêt :

— Décidément, Crawley et Sons ne maintiennent pas leur réputation.

Et lord Fairtime, étonné, interrogeant :

— Que voulez-vous dire, Jim, avec la réputation de Crawley and Sons ?

— Que leur café ne vaut pas le diable. Ce prétendu mélange Moka-Bourbon, goût de Paris, a un arôme plutôt désagréable.

— Vous dîtes vrai, riposta Péterpaul, sautant avec joie sur un sujet de conversation quel qu’il fût ; je n’y ai pas pris garde, mais j’ai à présent l’impression que j’ai bu une abominable mixture.

Un mot d’Édith arrêta net le fleuve de paroles inutiles.

— Ah ! fit-elle douloureusement, pouvez-vous vous occuper de pareilles misères alors que je meurs d’inquiétude.

Le silence retombe plus lourd. Personne ne relève le cri de détresse échappé à miss Édith.

Sans parler, chacun se hâte de vider sa tasse de café. Les Fairtime semblent avoir hâte de supprimer le prétexte de leur réunion, et bientôt lord Gédéon s’étire, dissimule mal un bâillement, puis d’une voix ensommeillée, balbutie :

— Ces premières tiédeurs du printemps fatiguent énormément. Je me sens très las. S’il n’était pas honteux de se mettre au lit à neuf heures…

Ses fils ne lui laissent pas terminer sa phrase.

— Ma foi, cher père, si vous le permettez, nous boirons la honte en question.

— Quoi ? vous aussi, jeunes gens, vous sentez la fatigue ?

— C’est-à-dire, affirme Péterpaul, que, depuis un instant, je lutte avec peine contre l’envie de dormir.

Édith, elle-même, appuie le dire de son frère :

— Je crois que je dormirais. Ah ! dormir, ne plus penser, comme cela serait doux.