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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/180

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MISS VEUVE.

souverain, des badauds nombreux stationnaient, regardant les équipages amenant sans cesse le flot des invités.

Or, un peu en arrière des curieux, s’écrasant pour mieux voir, quatre personnes causaient à voix basse.

C’étaient les gamins et les fillettes qui, si malheureusement, avaient manqué Von Karch à la sortie de la chancellerie.

Seulement si Joé, Suzan et Ketty ont conservé leurs pauvres vêtements, Tril, lui, est revêtu d’un ample par-dessus, lequel, lorsqu’il s’entr’ouvre, laisse deviner une impeccable tenue de soirée.

Les trois premiers semblent anxieux, la petite Suzan chuchote :

— Alors rien ne peut te retenir d’entrer dans cette fête, Tril ?

— Tu ne me le conseillerais pas, ma chère Suzan, puisque c’est l’ordre donné.

— C’est vrai. Mais j’ai peur.

Le jeune Américain a un geste de superbe insouciance :

— Voyons, réfléchis, j’entrerai sans difficulté à la suite de l’ambassadrice des États-Unis.

— Oui, je sais bien, mais l’entrée n’est point ce qui m’effraie ; c’est après, après.

— Eh bien ! j’attendrai l’heure fixée par « Miss Veuve ».

— Et si elle manquait au rendez-vous.

— Ma chère, le « roi » nous a mis au service de Miss Veuve. Nous devons obéir à celle-ci comme à lui-même. Donc… je vous quitte. Ne craignez rien.

Sans attendre la réponse, en garçon désireux d’abréger des adieux pénibles, Tril s’éloigna d’un pas rapide.

Il gagna le pont du Château. Il ne prêta aucune attention aux huit groupes de marbre symbolisant la vie militaire, qui ornent le viaduc jeté sur la rivière.

Puis, parcourant la place de l’Opéra, il s’engagea d’un pas délibéré dans l’Unter den Linden, l’avenue des Tilleuls, avec ses quatre rangées d’arbres, ses brillants magasins, ses hôtels luxueux.

Ainsi il marcha quelques minutes. Soudain il obliqua vers l’allée centrale de l’avenue.

Une automobile stationnait au long du trottoir. Au volant, le mécanicien demeurait aussi immobile que le laquais correct assis auprès de lui.

Comme le gamin approchait, la glace de la portière s’abaissa brusquement ; une voix de femme prononça en anglais :