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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Ils aidaient les deux passagères à s’embarquer, à prendre place, en arrière du pilote, afin d’assurer la stabilité de la machine.

— Attention, commanda François.

Et le constructeur, le comptable s’étant écartés pour laisser le champ libre à l’appareil :

— Êtes-vous prêtes ? demanda-t-il à ses deux compagnes.

— Oui, murmura Édith.

— Oui, répéta Margarèthe.

— Alors, en route !

Le moteur ronfle, l’aéroplane quitte la terre, décrit une courbe allongée, gagne une hauteur de trente mètres environ, et filant par dessus les toits des tribunes d’où monte une tempête de clameurs joyeuses, il file à toute vitesse vers Mourmelon.

Les passagères sont prises par la griserie de l’espace. Il leur semble qu’elles ne pèsent plus, qu’elles ont des ailes… Les champs, les routes blanches, les arbres dont l’appareil rase la cime, défilent sous leurs yeux éblouis comme des images cinématographiques.

Il y a une sorte d’immatérialisation de leurs personnes. Elles ne sont plus des représentantes de la beauté, de la jeunesse, de la grâce. Elles sont des âmes.

L’altitude opère son miracle habituel. L’esprit s’élève à mesure que le corps s’éloigne du terrestre limon.

Mais un choc léger, imperceptible, se produit. Les voyageuses aériennes regardent. L’aéroplane vient d’atterrir sur la route à cent mètres de l’église de Mourmelon-le-Grand.

Et François parle :

— Je vous demande pardon. Impossible d’entrer dans Mourmelon. L’un des inconvénients que je signalais tout à l’heure, la trop grande surface de l’appareil. Permettez que je vous aide à débarquer.

Il s’empresse, et Édith, qui maintenant n’a plus de tristesse, sent la main sur laquelle elle s’appuie, trembler au contact de ses doigts.

Les voici toutes deux sur la route. Lui a repris sa place à son poste de direction. C’est à Édith qu’il adresse l’adieu.

— Je retourne au camp pour garer l’appareil.

Et de nouveau l’aéroplane reprend son essor.

Les deux voyageuses sont demeurées immobiles. Elles suivent des yeux le grand oiseau blanc, qui disparaît enfin, masqué par un rideau de peupliers.

Alors elles reprennent conscience du lieu où elles se trouvent.