dégoût, le mépris. Leur pensée apparaissait vengeresse. Ils ne le savaient pas, eux ; mais, dans le couloir d’où il les espionnait, le père de Margarèthe lisait leurs sentiments.
— Décidément, fit-il ironiquement ; ce n’est pas par l’habileté que brille cette pauvre Marga.
La jeune femme, épouvantée par la réprobation muette de ses auditeurs, s’agenouille.
— Oh ! pardonnez-moi d’être la fille de Von Karch ! Ne me punissez pas des crimes dont je suis innocente. Ah ! j’ai compris quelle terrible filiation est la mienne.
— De mieux en mieux, ricane l’espion avec une fureur concentrée.
Mais la raillerie s’éteint sur ses lèvres. Margarèthe parle, parle. Comme un torrent rompant ses digues, ses paroles se précipitent ; elles semblent jaillir de son cœur meurtri.
— Eh bien oui, piétinez-moi, méprisez-moi, seulement voyez en moi une esclave !
Dans l’exaltation du dévouement éclos en son âme, elle puise une beauté nouvelle. La vérité rayonne d’elle, nimbe son visage, convulsé par la douleur, d’une auréole de martyre.
— Est-ce ma faute si j’ai grandi parmi les trahisons ? Est-ce que je savais, moi ? Personne n’a pris soin de me dire : Ici commence le crime, ici commence la honte. À votre contact, ces vérités éternelles sont nées en mon âme !
Les jeunes gens veulent la calmer, l’apaiser. Mais elle continue, comme si elle ne pouvait retenir ses paroles :
— Mon affection est allée à vous. Qu’est-ce que cela vous fait ? Vous ne m’aimez pas, vous ne pouvez pas m’aimer. Je le conçois. Mais d’un chien on accepte son dévouement ; prenez le mien.
Et, pénétré par une pitié invincible, touché par l’expression de ce remords qu’il sent être réel, Péterpaul relève la jeune femme, murmure d’un ton impossible à rendre, où vibre l’indulgence, avant-courrière du pardon :
— Miss, je vous crois. Un nom n’est qu’un son vide de sens. Qu’importe le nom d’une amie ? N’est-ce pas, Édith ?
— Oui, acquiesce la jeune fille dont les yeux sont humides.
— Amie, oh certes ! s’écrie Marga, dont l’exaltation s’accroît encore, mais amie qui a mal vécu, mal pensé, mal agi. Je voudrais prouver, prouver, donner des gages !