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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/237

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MISS VEUVE.

Elle n’a cure de leur refus :

— Je veux que vous appreniez cette chose que mon père et moi sommes seuls à savoir, que l’Empereur, son chancelier, ignorent. Von Karch est un nom d’emprunt. Sous ce masque se cache le comte Kremern, qui, ruiné, sur le point d’être déshonoré, disparut au cours d’une mission dans le Thibet. Pour le monde, le comte Kremern est mort. Pour nous, et maintenant aussi pour vous, le comte Kremern vit en la personne de Von Karch. Vous me demandiez le nom de votre servante tout à l’heure. Je vous le donne, le vrai. À présent, aurez-vous pardon pour Margarèthe Von Kremern ?

Pour toute réponse, Édith enlaça la malheureuse de ses bras, et, sur l’épaule de la victime de son père, Marga se prit à sangloter silencieusement.

De l’autre côté du mur, l’espion avait assisté à la scène. Impuissant à empêcher la révélation, il avait entendu ce nom de Kremern retentir sous la voûte du salon souterrain. Un instant, un vent de folie souffla sur son cerveau. Quoi, avec une habileté extraordinaire, il avait réussi à changer de personnalité, il avait fait perdre sa trace à tous, égaux, serviteurs, chefs ! Au Service des Renseignements même, il avait établi d’irréfutable façon sa fausse identité. Il était Von Karch pour le service le plus difficile à égarer du globe.

Et sa fille ressuscitait le passé ; elle livrait son secret à des ennemis, à des gens qui devaient nourrir contre lui les plus terribles projets de vengeance. Mais il se ressaisit vite. C’était un lutteur que Von Karch. Aveuglant le « judas », il murmura :

— Elle a dit un secret de mort. Elle a parlé selon la vérité. Il faut que ceux qui le connaissent, ne le puissent répéter jamais.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L’autre Alsace ! C’est ainsi que les chancelleries désignent la province de Posen, devenue prussienne, lors du démembrement de la Pologne, ce pays qui fut déchiré, partagé entre la Prusse, la Russie et l’Autriche, pour avoir été l’alliée fidèle de la France, pour avoir versé sans compter, le sang de ses enfants sous les plis du drapeau tricolore.

Or, au bord de l’un des nombreux lacs, jetés dans le fouillis des collines qui avoisinent Posen, capitale de la province martyre, désignée en polonais sous le nom de Poznan, s’aperçoit un vaste champ enclos de planches.

À l’intérieur croissent, par carrés, des végétaux comestibles : pommes de terre, carottes, navets, panais, choux.