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LE VOLEUR DE PENSÉE.

Oh ! ce fut rapide comme l’éclair. Cette femme s’engouffra dans le vestibule et disparut. On eût cru qu’elle fuyait.

Ce mouvement, qui répondait à l’idée jaillie de l’esprit du jeune homme : Oh ! je veux lui parler cette fois ; c’est trop de rencontres, à la fin ! le laissa tout interloqué, avec l’impression que l’inconnue avait lu en lui et qu’elle avait voulu se dérober à toute explication. Puis il se gourmanda.

— Quoi d’étonnant que, dans une petite cité comme Saint-Malo, on se rencontre plusieurs fois en une journée. L’anxiété de ce que donneront mes expériences m’affaiblit cérébralement. Quelle apparence que cette personne s’occupe de moi. Que ce soit Liesel Muller ou une autre, elle serait sûrement surprise de savoir l’attention que je lui prête. Ami François, tu deviens tout à fait ridicule.

Sur ce, il s’installa à la terrasse d’un café et, en attendant l’heure du dîner, se fit servir un porto.

Un garçon vint l’informer qu’il pouvait se mettre à table.

Cela lui procura un soulagement. Il sourit même en constatant qu’il avait hâte d’être embarqué sur l’Empress, comme si, une fois à bord, il devait se trouver à l’abri de tout danger.

Il avait choisi une table voisine d’une fenêtre.

Choix malheureux, car auprès d’une fenêtre, on regarde forcément au dehors, et trois personnes traversant la place attirèrent son attention, le rejetant dans le trouble passé.

Dans ces trois personnes, il lui sembla retrouver l’allure de Liesel Muller, et de ces Allemands qui, si inopinément, étaient venus, à Mourmelon, lui proposer une commandite.

Liesel, Von Karch, Margarèthe !

Bizarre ! Bizarre !… Les trois promeneurs marchaient vite, comme des gens en retard. Ils disparurent sous l’arche de la porte Saint-Vincent.

— Ah ! je suis insensé, grommela l’ingénieur. C’est une véritable obsession qui me poursuit. Pourquoi pensé-je à ces personnes qui ont tenu si peu de place dans ma vie ?

Il acheva paisiblement son dîner, dégusta un café, puis, sa dépense réglée, accompagné d’un groom chargé de sa valise, il gagna le quai Saint-Louis, sur lequel se trouve l’embarcadère des bateaux pour Jersey et l’Angleterre.

L’Empress allongeant sa forme élégante au long du quai, ses cheminées laissaient échapper des tourbillons de fumée noire. Tout annonçait son départ prochain.