Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/105

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— Attention, dit tout à coup Vidal, nous voici aux appartements de l’Impératrice.

Partout du monde, chambellans, généraux, ministres, sénateurs… Des femmes, malgré l’heure matinale, circulaient parmi les groupes.

Mais Vidal chercha vainement une dame d’honneur, une chambrière qui le pussent renseigner. En ce jour, plus d’étiquette, plus de service organisé. On entrait chez Marie-Louise comme dans un moulin.

De guerre lasse le capitaine entraîna Espérat. Tous deux pénétrèrent chez l’Impératrice. Et soudain ils s’arrêtèrent saisis, pris en pleine âme par une apparition inattendue.

En face d’eux, une porte, mal fermée sans doute, avait tourné lentement sur ses gonds, permettant à leurs regards d’embrasser la chambre à coucher de Marie-Louise.

Et debout au milieu de la pièce, le roi de Rome emprisonné dans ses bras, les yeux rayonnants de tendresse, et ses joues pâles tremblotant d’émotion, Napoléon était debout vis-à-vis de la blonde impératrice, qui le regardait avec son sourire insignifiant de femme incapable de comprendre les sentiments de son interlocuteur.

Marc, Milhuitcent demeurèrent sans mouvement, les pieds lourds, comme cloués au sol.

Ils comprenaient, eux, que le hasard leur montrait, non pas le souverain, mais le père disant adieu à son fils.

Et qu’eussent-ils ressenti si l’avenir, écartant les brumes qui le voilent, leur avait permis de se rendre compte que Napoléon pressait son enfant sur son cœur pour la dernière fois ; que sorti des Tuileries pour n’y plus rentrer, il ne reverrait jamais son fils, non plus que l’épouse légère et lâche qui abandonnerait platement le génie vaincu, plus encore, insulterait à sa défaite, et suprême injure, ferait du prince français, de ce bambin dont les veines contenaient du sang de l’Empereur, un pâle falot et débauché archiduc d’Autriche.

Sans doute, ils se fussent agenouillés dévotieusement, offrant leur existence au Très-Haut comme rançon de l’illustre victime qui allait lentement, déchirée, trahie, calomniée, commencer la dure ascension de son calvaire.