Rome, et ils ont raison, car l’aqua sert à quoi, vous réduit à quoi ? à l’état de canard, de poule mouillée.
Puis brandissant sa calotte, le personnage dans lequel on a sans peine reconnu un ivrogne, entonna d’une voix tonitruante sur un air lent, solennel, rappelant les rythmes larges des chants sacrés.
Terre
Et tonnerre,
Cœlum
Hum !
De par l’universe boule
Qui dans l’espace roule
Rien n’est divin
Que le vin !
Mais l’homme remit son bonnet, s’appliqua les mains sur la bouche, comme pour empêcher les sons de jaillir au dehors et grommela :
— Tais-toi, Yvan Platzov, tais-toi… Tu te ferais arrêter pour tapage… nocturne.
Nocturne, à deux heures de l’après-midi, était osé. Cependant l’ivrogne s’entêta dans son erreur et, montrant le poing au soleil pâle d’hiver qui brillait au ciel momentanément dégagé de nuages, il acheva :
— D’autant plus que cette nuit, la lune éclaire comme un petit soleil.
Sur ce il se mit en marche avec un effort aussi violent que s’il avait été attelé à une charrette lourdement chargée, et tout en décrivant des festons irréguliers, il bredouillait :
— C’est à la Croix des Cosaques que le chevalier m’attendra… je l’aime ce chevalier que je ne connais pas… car je me souviens… Ah ! ah !
Il rit d’un rire sonore :
— On a beau plaisanter le pope Ivan Platzov, l’appeler sac à vin, futaille sans fond… il a la mémoire.
Et se plantant devant un arbre qui bordait la route :
— Tiens, tu as l’air d’un bon garçon, toi… Écoute si Ivan Platzov se rappelle bien. Le vicomte d’Artin m’a dit : Va à la Croix des Cosaques, un peu après le village de Perthes… tu y rencontreras le chevalier de Mirel, mon jeune frère.
Il se frotta les mains avec satisfaction :
— Hein ? Je récite ma leçon sans broncher.
Puis il poursuivit :
— Tu répéteras ceci au chevalier : Qu’il m’attende à la nuit à la Croix des Cosaques, je viendrai avec les amis qu’il sait. Il faut que nous