Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Éperdu devant l’agonie morale qui gémissait dans la nuit, il frissonnait. Si la situation s’était prolongée, il se fût trahi, il aurait bondi vers Mirel, l’eût pris dans ses bras, lui eût crié :

— Tu es malheureux ! J’étais ton ennemi… je deviens ton ami… J’ai le courage, la résolution qui te manquent… raconte-moi tes chagrins, et, à nous deux, nous en triompherons.

Mais tout à coup, Henry se redressa de toute sa hauteur, se tourna du côté de Saint-Dizier et prêta l’oreille.

Milhuitcent l’imita, et les deux jeunes garçons entendirent un bruit lointain de chevaux. Des cavaliers accouraient vers la Croix des Cosaques.

— Ah ! gronda sourdement le fils adoptif de M. Tercelin, cette fois c’est d’Artin !

Pour Henry, il regardait dans la direction du son, agité d’un tremblement perceptible pour Milhuitcent.

Cinq minutes s’écoulèrent, puis une troupe de cavaliers fit irruption dans le carrefour.

Tous s’arrêtèrent, et l’un d’eux s’avança seul vers la croix.

C’était le vicomte d’Artin.

Le royaliste se rapprocha du chevalier, qui le considérait avec des yeux agrandis par une épouvante intérieure.

— Tu es à ton poste, Henry, c’est bien.

— Oui, mon frère, balbutia l’enfant sans avoir conscience de ce qu’il répondait.

Un éclat de rire dédaigneux souligna la phrase. D’Artin l’avait laissé échapper :

— Ceux qui m’accompagnent sont des soldats russes ; ils ne savent pas un mot de français ; ainsi dispense-toi de m’appeler ton frère… Ce titre doit être réservé pour le cas où des indiscrets nous écouteraient.

Mirel rougit, ses sourcils blonds se froncèrent, mais ces signes de révolte n’eurent que la durée d’un éclair. Le jeune garçon courba le front et répliqua d’un ton soumis :

— J’obéirai, monsieur le vicomte.

Dans sa cachette, Espérat assistait à cette scène incompréhensible. Son étonnement devenait de la stupeur. Quoi ! Le chevalier Henry de Mirel n’était pas le frère de d’Artin ?

Ce dernier reprit :

— Quoi de nouveau, Henry ?

Le jeune garçon hésita. Son interlocuteur s’en aperçut et brutalement :