Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/128

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— Prends garde… rappelle-toi que Marion Pandin ne resterait pas une heure à Rochegaule s’il me plaisait de parler.

— Marion Pandin, se confia Milhuitcent… c’est la nourrice… je me souviens.

Mais il n’eut pas le temps de continuer. Henry de Mirel avait jeté ses mains en avant en un geste suppliant :

— Ne menacez pas, monsieur le vicomte… C’est inutile… J’étais là pour vous dire… je me proposais même de pousser jusqu’à Saint-Dizier quand vous êtes arrivé.

— Jusqu’à Saint-Dizier, ricana son interlocuteur. Trop de zèle, mon garçon, c’est ici que le pope t’avait ordonné de m’attendre.

— Le pope, quel pope… ?

En dépit de ses préoccupations, Espérat sourit silencieusement.

— Eh ! gronda le vicomte, Ivan Platzov que tu as dû enfermer dans les caves du château ?

— Ivan Platzov… ! je vous jure, mon frère… excusez-moi, monsieur le vicomte… j’ignore de qui vous parlez.

D’Artin eut un geste violent qui fit pointer son cheval. Il le ramena et avec un sourde colère :

— Cet ivrogne s’est arrêté en route… Bah ! ne nous occupons plus de lui !… Tu es là, le reste importe peu… le capitaine Marc Vidal est à Rochegaule, n’est-ce pas ?

Il sembla à Milhuitcent qu’Henry blêmissait à cette question.

D’une voix éteinte le jeune chevalier bégaya :

— Oui…

— Un courrier, parti une demi-heure avant lui, m’a prévenu… Les lettres que tu lui as écrites sous ma dictée ont produit leur effet. Allons, tout va bien. Saute en croupe derrière moi et en route.

Ce disant, le vicomte aidait l’enfant à exécuter le mouvement commencé.

Il appelait d’un signe les cavaliers de son escorte, et tous, dans ses traces, partirent à grande allure.

À peine avaient-ils disparu qu’Espérat bondissait hors de sa cachette.

— Ils en veulent au capitaine. En avant ! L’Empereur veut que je le défende… Eh bien, nous périrons tous les deux.

Et le gamin, rayonnant à la pensée du sacrifice, se lança sur la piste des cavaliers.

Par malheur, dans sa hâte, il n’aperçut pas une racine qui s’élevait