Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/149

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l’on peut triompher un contre quatre, et après, le repos, jusqu’à la faute qui se produira fatalement.

Un moment il se tut, regardant devant lui dans le vague, et gaiement :

— Nous vaincrons… Je ne puis finir sur Leipsick.

Laissant la carte sur la table, il alla à la fenêtre. Au dehors les généraux, qu’il avait convoqués tout à l’heure, étaient rassemblés. À travers les rideaux, il examina ces hommes soucieux, conversant à voix basse avec des gestes las.

— Il faut d’abord rendre la confiance à ceux-ci.

Ouvrant la croisée, Napoléon les appela par leurs noms :

— Ney, Kellermann, Marmont, Berthier.

Tous eurent un sursaut en entendant sa voix. D’un même mouvement, ils se tournèrent de son côté, puis marchèrent vers la porte de la petite maison.

Un instant après, tous quatre étaient debout en face de l’Empereur.

Berthier avec sa grosse tête, son visage soigneusement rasé, sa physionomie ironique et entêtée ; Ney, les joues élargies par les favoris, le nez légèrement retroussé, les yeux hardis ; Marmont, dont le visage, d’expression ecclésiastique, s’accordait mal avec l’uniforme ; Kellermann, le front penché, se tenaient immobiles devant lui.

Chez eux se devinaient la fatigue et l’anxiété. Une tristesse passa dans le regard de Napoléon, mais rappelant aussitôt le sourire, sur ses lèvres :

— Eh bien ! mes vieux compagnons, nous allons donc une fois de plus combattre ensemble, dit-il :

Les généraux frissonnèrent ainsi que le cheval qui sent l’éperon du cavalier. Malgré eux, ils se redressèrent, et Ney, prompt à l’attaque dans la conversation comme sur le champ de bataille :

— Nous sommes prêts ; seulement pour combattre, il faut des soldats. Où sont-ils ?

— Mais nous en avons.

— Où cela ?

— Je vais vous le dire : le maréchal Victor a 7.000 fantassins et de 3 à 4.000 cavaliers. Marmont, toi, tu commandes à 6.000 hommes de pied et à 2.500 chevaux. Ney, tu comptes sous tes ordres 6.000 fusils… Tous réunis vous amenez 110 bouches à feu.

— La belle affaire, ricana le prince de la Moskowa : 19.000 combattants pour l’infanterie, environ 6.000 pour la cavalerie… Au total 25.000 contre 250 à 300.000 que l’ennemi met en ligne.