Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/167

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Quelques pas encore, et il se trouva en face d’Ivan Platzov.

Le pope était étendu sur le dos, les bras jetés à droite et à gauche, la tête appuyée au fût du monument. Sa face cramoisie rutilait sous la clarté lunaire, comme un foyer de campement, et de sa bouche ouverte dans la broussaille de sa barbe s’échappait le bruit qui avait guidé Espérat.

Ah ! le digne ivrogne ronflait aussi bien qu’il buvait. C’étaient des sifflements, des grognements, puis des notes tenues longtemps. On eût cru que les démons du vin avaient élu domicile dans son larynx et s’y livraient à quelque diabolique sabbat.

— Sommeil profond, sommeil de l’innocence, murmura le gamin… L’abbé Vaneur disait cela. Je serais curieux de savoir ce qu’il penserait auprès de ce dormeur.

Le jeune homme, au moins sur ce sujet, ne pensait pas comme son ancien précepteur, car il se baissa et se prit à secouer Ivan de toutes ses forces.

L’ivrogne grogna :

— J’ai soif.

— Encore, gronda l’enfant qui tambourina sur l’épaule du pope avec la crosse de son pistolet.

Cet appel frappant tira Platzov de son engourdissement bachique.

— Je crois, fit-il en ouvrant péniblement les paupières, que l’on me chatouille.

Et soudain :

— C’est toi, chevalier ; c’est toi, mon fils… ; je t’avais oublié…, cependant tu veillais sur le sommeil du ministre du Seigneur… Que la paix soit avec toi… et cum spiritu tuo.

Espérat haussa rageusement les épaules :