En route, il acheta au passage, une livre de pain et un morceau de saucisson. Tenant un des comestibles de chaque main, il parvint avec son guide sur la place de la mairie. Déjà les aides de camp de l’Empereur étaient réunis.
L’officier désigna au gamin un cheval tenu en main par un dragon :
— Pour vous.
— Merci bien.
Et le petit sauta en selle ; puis, sans perdre de temps, il attaqua à belles dents son pain et son saucisson.
— Se reposer, c’est bon, se confia-t-il ; se substanter est excellent.
Il était si absorbé par son occupation, agréable au possible après un jeûne compliqué d’exercices violents, qu’il fut surpris par la venue de l’Empereur.
Celui-ci arrivait à cheval, escorté par ses généraux : Marmont, Ney, Victor et Lefebvre-Desnouettes, qui avait rallié Châlons dans la nuit avec sa division.
Napoléon avait embrassé, le groupe des aides de camp d’un coup d’œil.
— Eh ! eh ! Espérat, fit-il, la voix joyeuse, tu as bien dormi ?
— Votre Majesté m’en avait donné la consigne, j’ai obéi, répliqua le gamin, la bouche pleine.
— Très bien, mais à présent…
— J’exécute la seconde partie de vos ordres… je reprends des forces.
L’Empereur se mit à rire :
— Courage, bonne humeur, il a tout, ce jeune brave.
Et, s’adressant à ses généraux, il ajouta :
— Vous voyez cet enfant, mes camarades, eh bien ! hier, il a fait pour l’armée plus que tous nos régiments de cavalerie ensemble.
Tous les yeux convergèrent sur celui dont le grand capitaine parlait, ainsi ; mais Napoléon passa, éperonnant son cheval. Le groupe des généraux s’élança à sa suite et la troupe des aides de camp s’ébranla derrière eux.
Espérat fit comme les autres.
Bientôt on fut hors de Châlons, galopant sur la route. En deux heures