Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/196

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Et soudain Milhuitcent retint son cheval si brusquement que l’animal plia sur ses jarrets.

Le grondement du canon venait de se faire entendre.

— L’attaque de Saint-Dizier, murmura l’enfant.

Brusquement il rendit la main et sa monture reprit sa course.

Bientôt, le gamin distingua la fumée des batteries en position sur les hauteurs qui entourent la ville. Dans un sentier, il aperçut un régiment qui, bayonnette au canon, montait vers les barricades élevées par les Russes à l’entrée de Saint-Dizier.

À travers champs, il rejoignit une colonne, trotta sur son flanc et rejoignit un officier qui marchait en serre-files. Milhuitcent eut un cri :

— M. de Rochegaule !

C’était en effet le nouveau capitaine qui montait à l’assaut avec sa compagnie.

Le vieillard s’arrêta une seconde, frissonnant, et murmura :

— La voix… la voix aussi !

Puis doucement :

— Comment êtes-vous ici ? Comment vous, que j’ai laissé à Châlons…

— Envoyé par l’Empereur, auquel je dois rendre compte de la conduite de ses troupes.

Les soldats les plus proches entendirent. Un chuchotement courut dans les rangs, et les fantassins se redressèrent, leur attitude devint plus martiale.

Chacun pensait : L’œil de Napoléon est sur nous.

— Savez-vous où je pourrai rencontrer le maréchal Victor, reprit Espérat ?

Le comte désigna les hauteurs en arrière que le tir de l’artillerie couronnait d’un panache de fumée :

— Là !

— Merci.

Piquant des deux, le jeune garçon atteignit bientôt l’emplacement des batteries, et cinq minutes plus tard, le mamelon d’où Victor, entouré de son état-major, suivait les mouvements des colonnes d’attaque.

En quelques mots, il fut au courant de la mission confiée à Milhuitcent par l’Empereur.

— Eh bien ! restez ici, dit-il. Nulle part vous ne serez mieux pour voir.

Mais le gamin secoua la tête :

— Non… je vais rejoindre la compagnie Rochegaule.

— Pourquoi ?