Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/221

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— Il nie… Oh ! le misérable… Attendez, attendez, Monsieur, je vous en supplie… Quand d’Artin a arrêté le capitaine, des soldats l’accompagnaient.

— Des cavaliers russes, oui.

— Eh bien,… ces hommes ont entendu mon père ;… qu’on les recherche,… et ils diront la vérité.

— Hélas ! Mademoiselle, nous y avons songé…

— Et… ?

— Aucun de ces pauvres diables ne parle le français.

À cette dernière réplique, Lucile se laissa retomber sur son fauteuil ;

— Alors, s’il n’y a aucun espoir, pourquoi venez-vous me torturer ?

— C’est qu’il en reste un, Mademoiselle.

— Un…

Ses yeux se portèrent sur Bilmsen. Elle poussa un cri :

— Ah ! je comprends… Ma main à cet homme…

— Oui, Mademoiselle, car seul il pourra obtenir que Marc Vidal soit oublié dans sa prison jusqu’à la fin des hostilités.

— Jamais ! Jamais !

Lucile s’était redressée ; le visage en feu, superbe d’indignation et de dédain, elle semblait défier les deux hommes.

— Accepter serait trahir ma foi… La présence de d’Artin dans vos rangs vous a fait croire que je fléchirais… Détrompez-vous… Un traître, c’est assez pour la maison de Rochegaule !

— Mademoiselle.

— Devoir la vie à pareille honte, serait odieux à Marc Vidal. De quel droit, me dirait-il, avez-vous déshonoré ma fiancée, de quel droit m’avez-vous voué au deuil, à l’irréparable, à l’inconsolable. Quitter la vie n’était rien,… la mort est la compagne des rêves d’un soldat ;… mais exister au prix du sacrifice de votre honneur, de votre dignité… C’est une tache dont vous m’avez marqué.

— Alors, vous le condamnez donc à périr ?

Lucile eut un gémissement sourd. Elle promena autour d’elle un regard éperdu :

— Moi, moi, bégaya-t-elle.

— Oui, vous, qui pouvant le sauver, refusez.

— Cela est impossible.

— Sachez donc la vérité tout entière. À la requête de mon souverain, S. M. le roi de Prusse, le conseil de guerre se réunira avant trois ou quatre jours.