Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/224

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CHAPITRE III

La Cheminée qui parle


Lucile n’avait pas l’ait un mouvement. Elle restait enfoncée dans son fauteuil, en face du feu qui pétillait joyeusement.

Des idées noires cavalcadaient dans sa tête. Vidal fusillé, ou bien, elle, mariée à Bilmsen…

Quel deuil choisirait-elle ?

Sinistre dilemme ; à quelque parti qu’elle s’arrêtât, il y aurait deux victimes. Si le capitaine mourait, elle demeurerait la veuve inconsolable ; si elle s’unissait à Enrik, Vidal souffrirait toutes les tortures de l’abandon.

La France, Napoléon, Louis XVIII, la guerre, la paix, préoccupations terribles de cette année néfaste, se mêlaient à ses angoisses personnelles.

Que décider ? Que résoudre ?

Héroïne de bronze ou de marbre, elle n’eût pas hésité. L’honneur commandait de laisser l’officier marcher à l’exécution.

Mais elle était femme… ; mais elle aimait de toute son âme, et elle se sentait défaillir en songeant qu’il serait là, vis-à-vis un peloton de tireurs, présentant sa poitrine aux balles mortelles.

Et tout à coup elle se redressa, regarda la cheminée avec effroi.

Du milieu des flammes dansantes, une voix jaillissait, disant :

— Mademoiselle, poussez le verrou de la porte d’entrée et éteignez le feu.

La cheminée parlait.

Un instant la jeune fille se demanda si elle ne devenait pas folle ; ses mains tremblantes se crispèrent sur son front.

Mais de nouveau la cheminée parla :

— Je vous en prie, Mademoiselle, c’est un ami qui est là… Votre prison est entourée de soldats, je suis obligé de me présenter par la cheminée…