— De l’hôtel des Cloutiers où elle était cependant bien gardée. Et voyez le stupéfiant, le déconcertant de l’affaire. Aucun factionnaire n’a quitté son poste. La fille de chambre a dormi dans la pièce voisine de celle qu’occupait la captive.
— Elle n’a rien entendu ?
— Rien.
— C’est fort.
— Mais vrai. On a fouillé l’hôtel, le jardin, examiné les murailles. Aucune trace d’escalade, pas un indice. C’est à croire que la fugitive s’est dissoute en vapeur.
— Il faut lancer du monde à sa poursuite.
— Toute la cavalerie disponible bat les environs.
— Et vous ne soupçonnez personne.
— D’abord, j’ai pensé à ce petit Espérat.
— Ah oui !
— Mais le drôle est à côté, s’habillant pour la parade dont il va nous régaler avec Bobèche. S’il avait fait le coup, il ne serait pas resté là.
— Évidemment.
Le carillon d’une sonnette interrompit l’entretien.
Le pope Ivan Platzov, assis en avant de la scène et remplissant les fonctions de régisseur, annonçait ainsi que le spectacle allait commencer.
— Attention, chuchota le vicomte en regardant le baron de Vitrolles, qui occupait une chaise à proximité de lui.
Et le baron, se tournant vers les membres du Congrès rassemblés au premier rang, répéta :
— Attention ! Examinez bien le jeune Espérat, je vous en prie, Messieurs.
La sonnette tinta une dernière fois, une porte sise en arrière de la scène improvisée s’ouvrit. Bobèche et Milhuitcent parurent.
Le pitre avait repris son habit rouge, sa culotte jaune, sa perruque rousse, son chapeau sur lequel tremblotait au bout d’un fil de fer le papillon symbolique de la folie. Quant à son compagnon, revêtu de l’accoutrement classique de Galimafré, le nez barbouillé de rouge, la bouche élargie par le maquillage jusqu’au milieu des joues, il riait, semblant tout heureux de se présenter ainsi devant l’assistance.
Au fond, cette apparence n’était pas trompeuse.
Lucile en sûreté, la redoutable intrigue ourdie contre l’Empereur n’existait plus. Et le gamin, enveloppant d’un regard narquois diplomates et officiers de la coalition, se disait :