Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/266

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— Tercelin aussi le veut. Guerre sans merci, sans trêve, à l’ennemi qui foule notre sol.

— Un prêtre parler ainsi.

— Je ne suis plus prêtre jusqu’à nouvel ordre. J’ai pris le fusil pour défendre mon vieil ami ; le soldat s’est réveillé en moi… Puis nous sommes à une heure où nul n’a le droit de se dérober au terrible devoir de la guerre. Je combattrai désormais… Dieu, qui nous juge, me pardonnera.

En silence on atteignit la cité de Tonnerre. À l’auberge du Chariot d’Or les voyageurs trouvèrent des chambres et ils dormirent du sommeil lourd de gens harassés.

De grand matin toutefois ils furent debout. Des adieux rapides furent échangés.

Après quoi, tandis que l’abbé Vaneur et le maître d’école se préparaient à aller dans la forêt d’Argonne reprendre leur place parmi les partisans qui continuaient la lutte, Bobèche et Espérat montèrent à cheval et, par Flogny, Ervy, rejoignirent, à Auxon, la grande route de Saint-Florentin à Troyes.

Vers six heures du soir, ils entraient dans cette dernière ville.

Des soldats, français ceux-ci, campaient dans les rues, se montraient aux fenêtres des maisons, réjouissant spectacle pour les voyageurs qui venaient de vivre de longs jours parmi les Alliés.

Soudain un garçonnet, portant l’uniforme des voltigeurs, se détacha d’un groupe :

— Espérat, cria-t-il.

Le gamin retint sa monture, regarda, et joyeux :

— Henry de Mirel ! que fais-tu là ?

— Je tiens les kaiserlicks en respect avec les autres. Mais toi-même ?

— J’apporte des nouvelles à l’Empereur…

— À l’Empereur…  ?

Henry se rapprocha vivement, baissant la voix :

— Il est parti.

— Parti… quand ?… où ?

— Ce matin,… sa destination ?… inconnue… Mais Macdonald, qui commande ici,… te dira sans doute ;… toi, on ne te cache rien.

Le garçon blond avait changé depuis sa rencontre avec Espérat. À la rude école de la guerre, l’enfant timide avait appris le courage, la résolution… C’était maintenant un homme… à la taille près.

Et Milhuitcent, constatant cette métamorphose, reprit en souriant :

— Conduis-moi chez Macdonald.