Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/281

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Et à l’officier ébahi :

— Allez vite, j’apporte des nouvelles de Troyes.

Cette fois l’interlocuteur du jeune garçon ne résista plus. Il poussa une porte et disparut.

Un instant plus tard, il revenait, disant avec ce respect involontaire de l’entourage de Napoléon pour ceux qui approchaient le maître :

— Entrez.

Bobèche et son ami se précipitèrent dans la petite pièce où se tenait l’Empereur.

Ce dernier était debout. Il vint à Espérat, lui prit la tête à deux mains, et enfonçant dans ses yeux son regard pénétrant, il prononça ces seuls mots :

— Eh bien ?

— Succès, riposta laconiquement le gamin.

Mlle  de Rochegaule…

— En sûreté.

— Où ?

— À Châtillon même.

— À Châtillon ?

— Au presbytère de l’église du Saint-Voile. Ou n’ira pas la chercher si près de son ancienne prison.

Le visage de Napoléon s’illumina :

— Alors, le Tugendbund est désarmé ?

— Oui.

D’un brusque élan, l’Empereur enleva Milhuitcent dans ses bras, il fit sonner un baiser sur ses joues brunes, puis, le déposant à terre, il s’écria avec une émotion profonde :

— Ah ! petit ! petit ! Tu as immobilisé l’armée de Bohème… Demain j’écraserai celle de Silésie… la France est sauvée.

Et comme emporté par la puissance de ses sentiments, il débita vite, très vite :

— Écoute, il faut que tu comprennes quel service tu as rendu… il le faut. Je veux que tu saches à quel point je suis ton obligé… La reconnaissance n’est pas une vertu royale, aussi l’Empereur doit-il l’avoir.

— Oh ! Sire, balbutia le jeune homme… Vous êtes trop bon… Vous obéir, travailler à votre gloire est un devoir… je me mépriserais d’y manquer.

Napoléon ne parut pas entendre :

— Tu te souviens, continua-t-il, qu’une fois déjà, abandonnant la Seine, je me suis jeté sur la Marne… Montmirail, Vauchamps… des jours