Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/303

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les nôtres, s’il les désire, mais qu’il nous laisse libre le passage de l’Aisne.

À 9 heures et demie, le 3 mars, la capitulation était signée. À 10 heures, en vertu des clauses de cet acte, les Polonais durent se retirer des portes de Reims et de Laon, où ils furent aussitôt remplacés par des détachements prussiens et russes.

À ce moment même, Napoléon-quittait Bézu-Saint-Germain, étendait la droite de son armée jusqu’à Fismes, et complétait ainsi le cercle de fer qui devait se refermer sur Blücher.

À ce moment aussi, deux hommes, pâles, couverts de poussière, exténués, franchissaient la porte dite « de Château-Thierry », et demandaient aux soldats de garde de leur indiquer la demeure du général Moreau. C’étaient Espérat et Bobèche qui, parvenus avec leur bateau à quelque distance de Soissons, avaient abandonné leur embarcation, et par un long détour avaient réussi à gagner la ville.

Sur eux aussi, la fatalité avait pesé. Les obstacles rencontrés sur la route faisaient qu’ils arrivaient trop tard.

Déjà le bruit de la reddition s’était répandu dans la ville. Les militaires se montraient sombres, furieux ; parmi les habitants, les plus nobles, les plus élevés de pensée, partageaient l’irritation douloureuse des soldats. Les autres, à l’âme vile, troupeau méprisable, attachés seulement aux intérêts matériels, esclaves de l’argent, prêts à toutes les servitudes, se réjouissaient d’éviter un assaut.

Les jeunes gens se rendirent compte de cela durant le trajet des remparts à la maison occupée par le gouverneur.

Ils haussaient les épaules quand ils frôlaient des bourgeois à la face stupidement hilare, qui croyaient l’occupation étrangère moins coûteuse que le devoir patriotique. Il leur paraissait impossible que Moreau, apprenant l’approche de l’Empereur, ne déchirât pas le traité au bas duquel il avait apposé sa signature.

C’est dans cet état d’esprit qu’ils se présentèrent chez le général.

Celui-ci les reçut aussitôt.

— Vous avez désiré me parler ? commença-t-il.

— Sa Majesté l’Empereur nous a envoyés pour cela, répliqua Milhuitcent.

— Sa Majesté ?

Moreau rougit en répétant ces mots, mais se remettant :

— Hélas ! les messagers de mon auguste maître arrivent en un moment pénible…