Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/304

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— Nous le savons ; vos soldats nous ont tout appris.

— Ah !

— Cependant nous avons pensé qu’une capitulation non encore exécutée était un malheur réparable.

— Réparable,… redit le gouverneur avec un étonnement si profond qu’Espérat fronça le sourcil.

— J’estime qu’un officier français ne saurait en douter, fit le jeune homme en élevant un peu la voix, et pour preuve, je répète les ordres de l’Empereur.

Puis lentement, détachant les syllabes comme pour les mieux faire pénétrer dans l’esprit de son interlocuteur :

— Les troupes de Sa Majesté entourent l’armée de Blücher. Celle-ci doit être anéantie demain. C’est le coup de tonnerre qui va délivrer la France. Un seul chemin pourrait sauver le feld-maréchal,… le pont de Soissons. Il ne faut donc pas qu’il en puisse profiter.

À mesure que le jeune garçon parlait, Moreau baissait la tête.

— Donc, vous devez déchirer la capitulation.

Le gouverneur sursauta :

— La déchirer ?

— Il n’est pas d’autre façon d’obéir à l’Empereur.

— Mais j’ai signé.

— La signature sera déchirée du même coup.

Avec colère, le général frappa le sol du pied :

— Vous n’y songez pas.

— Pardon, je ne songe qu’à cela.

— Manquer à ma parole, moi ?

— Cela vaut mieux que manquer à votre serment de servir la France.

— C’est mon honneur que vous me demandez là.

Espérat eut un éclat de rire dédaigneux.

— Votre honneur… Il est mort depuis l’instant où votre main a tracé le paraphe qui remettait la ville à l’ennemi. Vous pouvez le reconquérir, le ressusciter,… n’hésitez pas.

Le gamin parlait durement. Il espérait que l’injure allait faire bondir son interlocuteur, lui donnerait l’énergie d’accomplir ce qui lui était proposé.

Il se trompait. Moreau, souffleté par ses paroles, retrouva bien quelque volonté, mais ce fut pour s’entêter dans son erreur.

Et d’un ton péremptoire il dit :