Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

valle. Or, un soir que son service l’avait retenue au château, elle vit, en rentrant dans sa maisonnette, son fils couché dans le berceau d’Henry de Mirel ;… quant au petit chevalier il avait disparu.

— Disparu ? demanda Lucile d’une voix étranglée.

— Rassurez-vous, Mademoiselle, nous le reverrons tout à l’heure. M. d’Artin enjoignit à Marion, à ma mère, de me présenter moi, comme le fils de Mme  de Mirel. Si tu refuses, dit-il, je t’accuserai d’avoir supprimé mon jeune frère… Entre ma parole et la tienne, les magistrats n’hésiteront pas. Ma mère eut peur,… elle consentit… à douze ans, quand on m’apprit la vérité, moi aussi j’eus peur, moi aussi j’acceptai le fardeau du mensonge… pour ma mère… Mais aujourd’hui où l’âme du capitaine de Rochegaule, de mon capitaine, va quitter la terre, aujourd’hui où la Providence nous a réunis pour m’indiquer que l’heure de la vérité avait sonné, je dois cesser d’être le complice de l’homme que vous voyez là.

La main d’Henry désignait le vicomte.

— Ah ! rugit celui-ci, échappant une seconde à l’étreinte de Bobèche,… je serais curieux de savoir ce que j’ai fait de ce marmot que l’on m’accuse d’avoir volé.

— Je vais aussi le dire.

Le pitre rejetait en même temps d’Artin sur le fauteuil :

— On va vous le dire… ; prenez donc la peine de vous asseoir.

— Le soir du crime, commença Henry, le vicomte d’Artin alla aux écuries, sella le cheval qui servait à ses promenades, le fit sortir du parc par une brèche existant dans la partie de la clôture qui bordait les bois.

Le vicomte ne put réprimer un mouvement de surprise.

— Vous êtes étonné de me voir si bien renseigné, continua Henry, vous le serez davantage tout à l’heure. Les faits ont été recueillis par ma mère, le lendemain même de l’enlèvement. Elle vous avait obéi, mais elle vous haïssait d’avoir fait d’elle votre complice, et à tout hasard, elle cherchait des armes pour réparer un jour le mal qu’elle faisait d’après vos ordres.

D’Artin essaya de ricaner, mais son interlocuteur haussa les épaules et sans élever la voix :

— Je reprends. Votre cheval attaché à un arbre, vous vîntes au pavillon de la grille. Les deux poupons dormaient. Personne n’était auprès d’eux, puisque ma mère était de service. Vous prîtes Henry de Mirel et, chargé du pauvre petit, vous rejoignîtes votre monture. En hâte, vous arrachez alors à l’infortuné les langes chiffrés qui le couvrent. Vous les remplacez par des lambeaux de toile que vous avez préparés d’avance. Puis