Le jeune garçon fut frappé de l’expression grandiose de la physionomie de Napoléon, et ce fut d’un ton timide qu’il répéta :
— Sire :
L’Empereur tressaillit :
— Qu’est-ce ? demanda-t-il.
— Là, sur la route, en avant de nous, de nombreux cavaliers.
C’était vrai. Une masse sombre, précédée par plusieurs officiers, venait à la rencontre de la chaise de poste.
Au même instant la voiture s’arrêta.
Napoléon sauta à terre, imité par Caulaincourt et Berthier.
— Qui vient là ? cria-t-il d’une voix forte.
Les cavaliers firent halte et, après une courte hésitation, l’un d’eux s’avança :
— Général Belliard.
— Que faites-vous ici ?
— Je me rends à Fontainebleau ?
— À Fontainebleau ?
— Oui, Sire, afin d’y chercher un emplacement convenable pour établir le camp des troupes des maréchaux Mortier et Marmont.
— Qui vous a donné cet ordre, reprit l’Empereur d’un accent irrité ?
— Les vainqueurs, Sire, j’exécute les clauses de la capitulation de Paris.
— Paris a capitulé !
Caulaincourt, Berthier, Bobèche, Henry frissonnèrent à cette lugubre nouvelle jetée brusquement dans la nuit.
Mais Espérat emporté par son émotion s’écria :
— Cet homme ment… Paris ne s’est pas rendu ainsi.
Napoléon regarda de son côté :
— Toi, tu aurais résisté, j’en suis sûr… ; mais les autres !… Et soudain, il marcha vers Belliard, lui étreignit nerveusement le bras, tandis que ce dialogue pressé, haché, s’échangeait entre les deux hommes.
— Où est l’armée ?
— Sire, elle me suit.
— Où est l’ennemi ?
— Aux portes de Paris.
— Et qui occupe Paris ?
— Personne. La ville est évacuée.
— Comment, personne ? Et mon fils, ma femme, mon gouvernement… Où sont-ils ?