Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/86

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Marc Vidal aux Tuileries, le gamin était parvenu sans encombre dans la cour d’honneur.

Là, une inspiration subite, telle qu’il en naît dans le cerveau seulement aux moments de crise, l’avait empêché d’être chassé, comme il l’aurait infailliblement été sans elle.

Se glissant entre les roues, il était entré dans le véhicule par une portière, tandis que le diplomate et son compagnon sortaient par l’autre.

Accroupi sur les coussins, il les vit disparaître par une petite baie vitrée, s’engager sur les degrés d’un escalier de marbre, et quand il les jugea assez loin, il descendit à son tour de l’équipage, à la profonde stupéfaction du cocher qui, ayant pris deux voyageurs, se trouvait en déposer trois devant la résidence impériale.

Espérat ne lui laissa pas le temps de l’interroger. Il courut à un officier qui passait et l’avait vu sortir du véhicule :

— Monsieur, dit-il avec un aplomb dont il ne se serait jamais cru capable ; je dois rejoindre M. de Talleyrand mandé par Sa Majesté l’Empereur… Pourriez-vous m’indiquer où se trouve le cabinet de Sa Majesté ?

Comme tous les gens du palais, l’interlocuteur de l’enfant connaissait bien l’équipage simple, sans armoiries, dans lequel Napoléon aimait à faire de longues promenades en compagnie d’un seul aide de camp.

Aussi n’eut-il aucune défiance et désignant la porte, qui tout à l’heure avait livré passage à ceux que poursuivait le fils adoptif de M. Tercelin :

— Là. Montez au premier. À gauche, une ouverture, masquée par des tentures, accède à l’antichambre. Traversez cette pièce et à l’autre extrémité vous trouverez l’entrée du cabinet de Sa Majesté. Au surplus, vous rencontrerez l’officier de service qui vous guidera.

— Merci, Monsieur.

D’un pas rapide, Espérat gagna la porte et s’élança dans l’escalier.

L’étage gravi, il aperçut à sa droite un couloir orné de glaces et parsemé de torchères en bronze doré ; à sa gauche, d’épais rideaux de velours pourpre, bordés de larges galons d’or, masquaient l’entrée de l’antichambre.

L’enfant s’en approcha sans bruit et, les écartant avec précaution, glissa par l’ouverture ainsi pratiquée un regard scrutateur.

La pièce qu’il voyait ainsi était vaste, les murailles tendues d’étoffe verte, apparaissaient partagées, par des demi colonnes surmontées de têtes égyptiennes supportant la corniche, en panneaux au centre desquels flamboyaient des N laurés. De chaque côté, s’alignaient des banquettes à pieds de lions, et assis, les coudes aux genoux, la tête enfouie dans ses mains, Marc Vidal songeait seul. M. de Talleyrand avait donc franchi la