Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/9

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L’enfant grandit, reçut ses premières leçons de son père adoptif, mais, dès sa neuvième année, il savait tout ce que M. Tercelin était capable de lui enseigner.

— Le petit dépasse ma science, disait naïvement le maître d’école.

Émerveillé par cette intelligence précoce, le brave homme s’adressa au curé. Celui-ci, par bonheur, était un savant et un philosophe. Il avait connu les rigueurs de l’exil durant l’émigration. Rentré en France, lors du rétablissement du culte, il avait sollicité la petite cure de Stainville, et là, oublié des grands, il savourait la vie si douce sur la terre natale, au milieu de Français, exprimant sa satisfaction toujours croissante par une phrase sans cesse répétée :

— Ah ! mes enfants. Si vous saviez comme il est dur de vivre hors de son pays.

Le laïque et l’ecclésiastique, étant de bonnes gens, s’entendirent sans peine, et Espérat eut à la fois un nouveau professeur, un nouvel ami.

Latin, botanique, chimie, physique, littérature, on mena tout de front. Le curé, stupéfait de la prodigieuse faculté d’assimilation de son élève, confia plus d’une fois sa pensée intime au maître d’école :

— Voyez-vous, monsieur Tercelin, cet enfant est victime d’un drame de famille. Il appartient à une race à l’esprit cultivé. L’intelligence poussée à ce point ne peut être qu’une faculté atavique.

Et Tercelin se frottait les mains :

— Alors, monsieur le curé, bourrez-le de science, car si jamais il reprend son rang, il ne faut pas que notre fils détonne dans sa société.

Point n’était besoin de pousser le petit. Il travaillait avec ardeur, satisfaisant son précepteur en tout, sauf peut-être au point de vue religieux. Non qu’il eût l’esprit voltairien. Il apprit son catéchisme avec soin, écouta respectueusement les cours théologiques du curé de Stainville, mais le bon abbé se rendait compte que l’amour, la vénération, l’adoration d’Espérat étaient accaparées par un Être génial, un Titan couronné.

Napoléon faisait tort à Dieu.

Napoléon était la véritable religion de l’enfant trouvé.

Bien d’autres éprouvèrent, à cette époque, le même dévouement pas-