Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Les vibrations du timbre grave planèrent sur la ville avec une impression de grands coups d’ailes.

Lentement, sans bruit, Sara ouvrit la fenêtre, se pencha au dehors.

Vivement elle se rejeta en arrière.

— Silence !

Et par l’ouverture, des froissements, des glissements légers pénétrèrent dans la chambre, bruissant aux oreilles des jeunes filles.

— Qu’est-ce ? demanda Lotus-Nacré dans un chuchotement.

— Des hommes.

— Quels hommes ?

— Chinois, sans doute, puisqu’ils ont des semelles de feutre, vous l’entendez ?

— C’est vrai !

— Mais que veulent-ils ? murmura Mona dont les grands yeux s’ouvraient démesurément, cherchant à percer les ténèbres.

— Je ne sais pas, répliqua la duchesse, ou plutôt j’ai peur de deviner.

— Deviner quoi ?

— Ce sont des assassins.

— Des… ?

— Oui… qui viennent frapper les Européens, obéir à un détestable mot d’ordre… C’est une nuit rouge qui se prépare.

Et comme Lotus-Nacré haussait les épaules, la Parisienne reprit :

— Vous ne croyez pas ?

— Si, fit la Nippons, cela peut être… Mais, je suis fille de l’empire du Soleil Levant et le massacre d’Européens m’est indifférent.

— Indifférent !

— Sans doute… Pourquoi sont-ils venus en ce pays si éloigné du leur ?

Dans la jolie voix de la jeune fille se trahissait toute la haine de l’Asiate pour les conquérants d’Europe. Mona protestait déjà. La duchesse l’interrompit :

— Vous avez raison, Mona, la femme ne doit point se réjouir des tueries ; en le faisant, à quelque nation qu’elle appartienne, elle manque à son devoir… Celle que la nature a destinée à être la mère, à être cette forme vénérable et douce de la vie, celle-là doit haïr quiconque hâte la mort ; mais Lotus-Nacré est