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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— Ces gens comprennent le signal… Vous avez entendu leurs chuchotements ?

— Oui… Seulement qu’est-ce que cela signifie ?

Les flammes mystérieuses semblaient baisser, baisser rapidement… La coloration s’atténuait, et tout à coup elles s’éteignirent ; une colonne d’étincelles fusa dans la nuit, puis plus rien.

On eût dit que les foyers avaient été aveuglés à l’aide de sable.

Revenant à l’ouverture dominant la rue, les prisonnières eurent un petit cri d’étonnement. Les portes, les fenêtres des maisons étaient ouvertes.

Des hommes, des femmes, des enfants, reconnaissables pour des indigènes, entraient et sortaient incessamment. Seulement, s’ils entraient les mains vides, ils sortaient pesamment chargés.

— Ah çà ! reprit Sara, ils déménagent !

On aurait pu le croire : meubles, ustensiles de cuisine, bronzes, pendules, garnitures de foyers, tapis, tableaux, défilaient dans tes bras, sur les épaules, sur le dos des travailleurs.

— Mais les habitants ?…

Cette question, formulée par Mona, ne reçut pas de réponse.

En effet, chose étrange, les habitants ne se montraient pas.

Et cependant il était inadmissible qu’ils consentissent ainsi, sans protestation, à l’exode de leur mobilier.

Pourtant cela était, ou du moins cela paraissait être.

Les jeunes femmes avaient beau prêter l’oreille, elles ne percevaient rien qui ressemblât à une discussion, à une lutte. Seuls le bruit des pas, les ordres brefs se faisaient entendre dans la nuit.

Et toujours les déménageurs se succédaient, se hâtant à leur incompréhensible tâche.

Vingt fois, les jeunes femmes furent sur le point de héler ces ombres s’agitant dans la rue ; vingt fois à leurs lèvres monta la question curieuse :

— À quelle singulière besogne vous livrez-vous ?

Toujours une crainte arrêta la phrase prête à prendre son vol.

L’image de la carafe au narcotique passa devant leurs yeux.

— Non… gardons le silence… Nous ne devrions pas