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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

fonde les enveloppant depuis que l’éboulis avait obstrué l’entrée.

Mais le sourd résonnement du roc sur le sol leur apprit sa chute tout près d’eux, et Dodekhan appela :

— Monsieur le Duc !… Peï !… Tzé !… Lotus-Nacré !

Les trois premiers répondirent… seul le nom de la fille du comte Ashaki fut suivi d’un morne silence. Et comme le Maître du Drapeau Bleu répétait angoissé : « Lotus-Nacré ! », une petite flamme brilla comme une étoile… Master Joyeux avait frotté une allumette.

Brève fut la clarté, et cependant pour tous elle fut trop longue, car elle éclaira un affreux spectacle.

Sous un bloc de plusieurs mètres cubes, dont l’alvéole se creusait sinistre dans la voûte, des cheveux noirs traversés d’une épingle d’or se montraient et aussi une flaque liquide, roussâtre, qui venait baigner les pieds des fugitifs et renvoyait en éclairs de pourpre les rayons de la minuscule flamme. Ce qui avait été une grâce, un sourire, n’était plus qu’une chose informe broyée par une pierre, une mare de sang.

Tous restaient sans voix, terrifiés par le trépas brutal de cette enfant, entraînée par la fatalité dans un tourbillon géant des rivalités de races. Et avec stupeur, Lucien, les gamins virent Dodekhan se pencher, retirer l’épingle d’or de la petite Japonaise, couper de son poignard une mèche de cheveux brillants.

— Que faites-vous ? bégaya le duc avec une indicible horreur.

D’une voix tremblante, le Turkmène répliqua :

— Cette jeune fille a un père… Il faut qu’il puisse pleurer sur un souvenir d’elle !

L’allumette s’éteignit, et dans les ténèbres revenues, pesa le silence angoissant coupé de profonds soupirs.

Que dura cela ? Qui pourrait mesurer le temps passé dans la nuit, dans le mutisme d’une tombe ? Soudain tous furent secoués par un même frisson ! On parlait… qui ? Il leur fallut un effort pour reconnaître l’organe de master Joyeux.

— Un courant d’air… Il y a donc un trou, un conduit… Si l’on s’occupait de sortir d’ici !

Mais les paroles du gamin avaient évoqué dans les