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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— Ah çà ! mon cher, vous ne supposez pas qu’ils vont nous attaquer dans notre arbre ?

— Si !

— Comment, le naja est si combatif que cela !

— Il ne s’agit pas d’un, mais d’une migration de najas. Écoutez-les.

Le concert de sifflements continuait. On eût cru qu’un cercle de reptiles rampait vers le refuge des fugitifs.

— Quoi… Qu’entendez-vous par une migration ?

— J’entends que ces animaux, qui pullulent dans tous les endroits couverts, ont été dérangés par nos mouvements, par le passage de ceux qui nous poursuivent. Alors suivant leur habitude, ils se sont groupés… Se voyant attaqués, ils se sont mis à la recherche de l’ennemi… Tout être vivant qu’ils rencontreront, homme ou bête, est perdu !

Un frisson courut entre les épaules de Lucien :

— Et ils montent aux arbres ?

— Plus aisément que nous, hélas !

— Mais alors, Sara, Mona…

Les sifflements redoublaient. Évidemment les venimeux ophidiens avaient découvert la piste des fugitifs et ils s’irritaient de plus en plus.

Dans quelques instants, les najas atteindraient l’arbre. Lucien, ses amis sentiraient passer sur eux les reptiles immondes… et tout serait fini.

Une épouvante instinctive bouleversa le jeune homme. Il balbutia :

— Mais nous allons lutter, faire un geste de résistance.

— Le feu dans les herbes sèches créerait un cercle infranchissable.

— Mettons le feu…

— C’est nous livrer aux bandits qui parcourent la forêt, mieux vaut la piqûre des najas, cinq minutes de souffrance et le repos.

Le Turkmène ne put continuer. Brusquement, une petite flamme brilla auprès de lui, s’envola, décrivit dans l’air une trajectoire et s’abattit au bas du tumulus rocheux que dominait le gommier, au milieu d’une touffe de broussailles sèches dont elle provoqua l’embrasement.

Lucien avait jeté une allumette. Dodekhan eut un sourd rugissement. Il voulut s’élancer, éteindre ce commencement d’incendie, mais le duc se cramponna