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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— Le plan n’est peut-être pas merveilleux, mais dans notre situation…

— Il est irréalisable, interrompit le duc… Voyez ma femme, voyez Mona… Sont-elles capables de la décision, de la promptitude de mouvements nécessaires pour mener à bien l’aventure ? Moi-même, je vous l’avouerai, je suis moulu, et j’ai peur d’être un piètre combattant.

Mais le Maître du Drapeau Bleu articula nettement :

— Voulez-vous qu’elles meurent sans que nous ayons tout tenté ?

La phrase galvanisa le gentilhomme :

— Vous avez raison… Dussions-nous y succomber, nous devons essayer ce que vous indiquez.

Déjà le duc se laissait glisser de la branche sur laquelle il se tenait en équilibre, quand une sorte de crissement tremblota dans l’air :

— Arrêtez ! chuchota Dodekhan. La voix du Turkmène frémissait. On y sentait une anxiété atroce.

Et comme il allait interroger, vaguement troublé par le silence, le crissement se renouvela, semblant venir d’un autre côté.

— Tiens, remarqua Lucien… un signal peut-être.

Comme pour répondre à la question du duc de la Roche-Sonnaille des sifflements, des glissements, des frôlements étranges, inquiétants, remplirent la clairière. Et Lucien répétant :

— Mais qu’est-ce que c’est que cela ?

Dodekhan prononça d’une voix rauque, les dents serrées par une indicible angoisse :

— Les najas !

— Les najas… les serpents ?

Tout Européen quoique peu instruit a entendu parler du naja, le terrible reptile si commun dans la presqu’île hindoustane.

Long de deux à trois mètres seulement, il inspire la terreur à ceux qui ont pu mesurer les effets foudroyants de son venin. Il est horrible avec ses excroissances membraneuses qui se raidissent dans la colère et quadruplent alors la largeur de la tête du monstre.

Mais si dangereux qu’il soit, le naja sembla à Lucien causer un émoi trop grand à son compagnon. Aussi le Français grommela-t-il :