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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

égoïste, ennuyé et célibataire, se rit du père qui se survit, doucement réchauffé par la jeunesse de ses enfants ; le lâche vilipende le vaillant… Mais leur rire sonne faux et dans leurs yeux on ne lit qu’un sentiment : l’envie !

— Bien parlé, sur ma parole, reprit Log, bien parlé ! Je vois que depuis notre dernière entrevue, tu es resté aussi expert aux joutes oratoires. Appelons donc mon sentiment l’envie, puisque ce vocable parait te plaire : soit, je t’envie… pas pour longtemps, d’ailleurs, car, avant peu, je suis assuré que je ressentirai à ton endroit un sentiment autre, qui se dénomme, celui-là, la pitié.

Un imperceptible tressaillement passa sur les traits du Turkmène. Comme malgré lui, ses yeux lancèrent un furtif regard dans la direction de Mona. Mais ces légères remarques de l’anxiété intérieure s’effacèrent aussitôt.

— Si tu étais seul, continua le Graveur de Prières, tu me résisterais. Je pourrais te supprimer, non te faire plier. Tu vois que j’ai de toi une opinion flatteuse… seulement, voilà… tu n’es pas seul.

Et son unique main pointant un index menaçant vers la fille du général Labianov :

— Mona, ton étoile à la chevelure d’or, est aussi ma prisonnière.

La lutte ancienne allait reprendre. Dans l’accent de Log, tous avaient démêlé sa pensée. Son geste figé, désignant encore Mona Labianov, disait :

— J’ignore encore une part des signes mystérieux auxquels obéissent certaines sociétés de la formidable agglomération façonnée par Dilevnor. Cette ignorance diminue mon pouvoir pour le mal. Je veux qu’elle cesse. Dodekhan m’enseignera ce que je veux savoir, ou bien cette jeune fille qu’il aime subira le supplice ; les secrets ou sa vie !

Un duel atroce s’engageait. Le cœur, l’âme de Dodekhan seraient opposés à son honneur.

Lequel triompherait ? Et Lucien, la petite duchesse baissaient les yeux vers le plancher, étreints par la même faiblesse, le même vacillement de volonté. Et tous se tenant troublés sous le regard arrogant de Log, Mona se redressa de toute sa hauteur :

— Il se taira, parce que je veux qu’il se taise !

Tous avaient fait un mouvement. Log les arrêta du geste :