Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Sara pressait son front de ses mains avec un véritable désespoir.

— Un navire à vapeur qui n’a pas de vapeur, maintenant !

— Peut-être son moteur est-il électrique, hasarda le duc.

— Alors pourquoi des cheminées ?

« Voyons, reprit-elle gravement. Personne sur le pont… l’équipage, le commandant sont donc dessous. Or, un homme a beau ne pas être grand’chose…

— Oh ! chère amie, protesta le duc. Elle le regarda, parut ne pas percevoir le sens de son interruption, puis continua.

— Il occupe cependant une certaine place. Donc, en admettant que les matelots se cachent, nous finirons bien par les découvrir. Descendons.

Sur ce mot, elle se dirigea vers l’escalier des cabines. Lucien n’avait rien de mieux à faire que la suivre. Il se précipita donc sur ses pas.

Tous deux descendirent. Sans doute, Sara croyait aux heureux effets de la méthode, car elle se mit à parcourir les couloirs, les rues comme on les dénomme à bord des grands transatlantiques, en remontant tout d’abord vers l’avant, imitant la manœuvre que, tout à l’heure, elle avait opérée sur le pont.

Mais, dessous comme dessus, c’était la solitude.

Personne, toujours personne.

Lucien et sa femme erraient à travers le dédale d’un navire qui semblait abandonné. Et cependant il ne l’était pas. La célérité de sa marche, la rectitude de sa direction disaient la présence d’un équipage bien dressé, d’un commandement expérimenté. Seulement, où se tenait cet équipage ? D’où s’exerçait ce commandement ?

Au risque de troubler le repos des passagers comme elle, la jeune femme fit irruption dans les cabines, le salon, le dining-room. Toujours le vide.

Personne ne se montra. Personne ne protesta contre la perquisition.

Une sorte de malaise emplissait maintenant les deux époux.

Et puis la nuit se faisait peu à peu.

Comme chassés par les ténèbres, les jeunes Français remontèrent un instant sur le pont, où les attendait un nouveau déplaisir. En leur absence, les feux