Évidemment l’aventure, se compliquant de plus en plus, l’affolait.
Il ouvrit la bouche pour parler. La petite duchesse eut l’impression qu’un mot irréparable allait être prononcé, et coupant la parole à son compagnon de voyage de noces, elle demanda :
— Qu’est en résumé ce Drapeau Bleu ?
— Un emblème auquel tous les Asiates obéissent… Il représente une association secrète si puissante, dans cette Asie où les sociétés de ce genre pullulent, si puissante, dis-je, que les rois, empereurs, mikado, lamas eux-mêmes, s’inclinent devant elle.
Mais Mona fit dévier la conversation :
— J’oubliais… On m’a chargée de vous aviser que le déjeuner était servi dans le salon du pont, et on nous a fait espérer, madame la Duchesse, que vous accepteriez de nous avoir pour convives.
— Comment donc ! Veuillez nous montrer le chemin.
— Vous nous rendrez le même service tantôt. Nos cabines, paraît-il, sont voisines des vôtres.
— Ah !
Et tandis que les jeunes filles se dirigeaient vers le dining-room, Sara, demeurée en arrière, glissait à l’oreille de son mari :
— Pas un mot de la passerelle, Lucien, pas un mot ! Gardons notre secret, gardons-le jalousement !
Complètement remise de son émoi, Sara fut à table d’une gaieté étourdissante. Elle ravit ses jeunes et nouvelles amies, qu’elle interrogea du reste fort adroitement :
— Je me demandais, déclara-t-elle tout à coup, en ne vous rencontrant pas à bord, si vous étiez retournées à terre avant mon arrivée.
— Oh ! firent-elles ensemble, nous étions prisonnières et bien ennuyées.
— Prisonnières, où cela ?
— À l’intérieur de ce paquebot. Nous avions peur… quand enfin M. Log, après nous avoir expliqué l’affaire, nous a déclaré que désormais nous aurions le libre accès du pont et aussi votre charmante compagnie.
Sara poussa un soupir, puis curieuse :
— Et il vous a montré la porte qui communique de l’intérieur ?…
— Non, pas du tout.