Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/142

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— Inoubliables, acheva-t-elle gaiement. À présent, j’espère que tu m’en dispenseras.

— Pourquoi ?

— Parce que la voix de Sika est plus jolie que la mienne, et que jamais je n’aurais osé être aussi affirmative qu’elle.

— Comment, affirmative ?

— Dame, pleurer à l’idée de ne plus nous voir.

— Petite masque. C’était toi qu’elle regrettait. Elle l’a dit assez clairement.

— Donc, ce n’est pas vrai.

— Pas vrai ?

— Naturellement ; une jeune fille ne peut pas s’écrier : Je pleure le départ de M. Marcel. Alors, c’est moi qu’elle charge de tous ses regrets.

— une supposition.

— Une certitude, cousin.

Et d’un ton doctoral véritablement réjouissant, la fillette ajouta :

— Je n’ai que quatorze ans, comme tu dis ; seulement, je comprends la psychologie féminine mieux que toi.

Elle leva son index fuselé en l’air pour achever :

— Toi-même devrais te souvenir de cette phrase du peu galant philosophe Shopenhauer que tu m’as fait étudier de façon générale.

« La femme, par une fausse croyance, une délicatesse morbide, se complaît seulement à côté de la vérité. »

Ou encore celle-ci du si ennuyeux Nietzsche :

« Avouer du geste, du regard, de l’attitude, et nier en même temps par la parole, constitue l’antinomie caractéristique de l’entité féminine. »

Laissant là son cousin, stupéfié par ce déluge de citations, qui démontraient à tout le moins qu’Emmie avait bien profité de ses leçons, celle-ci se dirigea vers la porte à cloche-pied, l’ouvrit et s’inclinant cérémonieusement :

— Si monsieur mon cousin veut me conduire à la promenade, j’en serai charmée.

Il obéit à l’appel, souriant à la fillette, qui déjà descendait l’escalier. Il eût été ahuri de ce qui se passait